Un film à sketches inspiré des EC Comics, qui influencera Creepshow et la série Les Contes de la crypte
TALES FROM THE CRYPT
1972 – GB
Réalisé par Freddie Francis
Avec Raph Richardson, Joan Collins, Peter Cushing, Roy Dotrice, Richard Greene, Ian Hendry, Patrick Magee, Barbara Murray, Nigel Patrick
THEMA TUEURS I MORT I ZOMBIES I SORCELLERIE ET MAGIE
Spécialisé depuis longtemps dans la production de films d’épouvante à sketches, le studio britannique Amicus creuse avec succès ce sillon qui lui permet de se distinguer de son concurrent direct Hammer Films. Pour varier un peu les plaisirs, Milton Subotsky, codirigeant de la compagnie, convainc son associé Max Rosenberg de faire reposer l’un de ces films composites sur les fameuses bandes dessinées horrifiques que publiait dans les années 50 Bill Gaines sous le label EC Comics. Ainsi naît le projet Histoires d’outre-tombe. Subotsky écrit les scénarios lui-même et confie la réalisation à Freddie Francis, ancien chef opérateur de talent devenu metteur en scène à la fois pour la Hammer et pour Amicus. Tourné en trois semaines dans les studios de Shepperton, le film bénéficie d’un budget un peu plus confortable qu’à l’accoutumée, estimé à 170 000 livres. Le générique démarre sur la Toccata de Bach, tandis que la caméra se promène au milieu des stèles d’un vieux cimetière. Sous terre, un groupe de visiteur mené par un guide découvre les catacombes. Mais cinq d’entre eux s’égarent et se retrouvent dans une sinistre pièce close où se tient « le gardien de la crypte » (Sir Ralph Richardson), une sorte de moine mystérieux qui les interroge sur leurs projets immédiats après cette visite et projette chacun d’entre eux dans un récit macabre.
Le premier segment, « And all through the house », est adapté d’une histoire parue dans « Vault of Horror » en 1954. Le soir de Noël, une femme interprétée par Joan Collins assassine son époux pour toucher son assurance. Mais tandis qu’elle s’efforce de faire disparaître le corps, la radio annonce qu’un fou dangereux habillé en Père Noël rôde dans les parages… Très cynique, ce récit baigne dans une ambiance volontairement sirupeuse à cause des chants de Noël que diffuse la radio en boucle. Mais il souffre d’une double faiblesse : le total manque d’empathie des spectateurs à l’égard du personnage principal et une chute pas vraiment surprenante. Le second sketch, « Reflection of Death », s’avère beaucoup plus intéressant. Inspiré d’une histoire publiée dans « Tales From the Crypt » en 1951, il nous familiarise avec Carl Maitland (Ian Hendry), un homme qui quitte sa femme et ses enfants pour partir s’installer avec sa maîtresse Susan (Angela Grant). Or sur la route, au milieu de la nuit, tous deux sont victimes d’un accident… Dès lors s’installe une ambiance oppressante, s’appuyant sur un usage intriguant de la caméra subjective, jusqu’à un dénouement cauchemardesque. La troisième histoire, « Poetic Justice », issue de « Haunt of Fear » (1952), est sans doute la plus célèbre du film. Peter Cushing y incarne le vieux Grimsdyke, adoré des enfants de son quartier à qui il raconte des histoires et offre de vieux jouets. Mais selon ses voisins nantis et cupides, ce vieil excentrique déprécie la valeur du quartier. Tous les moyens sont bons pour le pousser à quitter les lieux … Ce segment repose sur le jeu tout en finesse du Cushing. Loin de l’arrogant docteur Frankenstein qui fit sa renommée, il campe un homme extrêmement touchant, accablé par la mort de sa femme. Quand on sait que le comédien venait d’être frappé par le décès de son épouse, la mise en abîme s’avère troublante. C’est justement ce qui poussa Cushing à accepter ce rôle et à l’investir avec autant de profondeur. La chute nous révèle un impressionnant maquillage de Roy Ashton muant le comédien en zombie décharné.
La mort leur va si bien
C’est encore une histoire de mort que raconte « Wish you were here », adaptant un récit paru en 1953 dans « Haunt of Fear ». Au bord de la faillite, un riche businessman (Richard Greene) réalise qu’une statuette qu’il a ramenée de Hong Kong porte une inscription promettant la réalisation de trois vœux. Sa femme (Barbara Murray) joue le jeu et demande beaucoup d’argent. Dès lors s’enclenche un terrible engrenage s’achevant sur une note horriblement ironique dont certains effets gore firent frémir la censure de l’époque. L’ultime sketch, « Blind Alleys », provient de « Tales From the Crypt » n°46 (1955). Il confronte un ancien officier militaire prenant ses fonctions dans un institut pour aveugles et ses pensionnaires souffrant des coupes budgétaires qu’il impose de force. Le flegme de Nigel Patrick et la prestation hallucinée de Patrick Magge (qui venait de jouer dans Orange mécanique) font tout le sel de ce segment percutant malgré sa longueur un peu excessive (près d’une demi-heure). Conforme à ses modèles dessinés, Histoires d’outre-tombe dresse une galerie de portraits peu reluisants. Lâches, hypocrites, veules, voire criminels, ses « héros » connaissent tous un sort sinistre, selon la moralité féroce propre à l’esprit des EC Comics. Sans doute le film aurait-il gagné à s’installer dans des décors moins banals et à bénéficier d’une mise en scène un peu plus inventive, mais l’efficacité des récits et la justesse des comédiens emportent l’adhésion. Ce sera l’une des sources d’inspirations majeures de Creepshow et bien sûr de la série Les Contes de la crypte.
© Gilles Penso
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