Le cinéaste australien Rod Hardy propose une vision inédite du vampirisme où la haute société saigne littéralement des humains-esclaves…
THIRST
1979 – AUSTRALIE
Réalisé par Rod Hardy
Avec Chantal Contouri, Shirley Cameron, Max Phipps, Henry Silva, Rod Mullinar, David Hemmings, Rosie Sturgess
THEMA VAMPIRES
A la fin des années 70, l’Australie, qui s’était jusqu’alors montré très discrète en matière de cinématographie, révélait soudain tout un vivier de réalisateurs attirés par un fantastique différent, insolite et novateur. C’était l’époque des Mad Max, Long week-end et autres La Dernière vague. Dans cette mouvance, Rod Hardy et son scénariste John Pinkney se sont attaqués au vampirisme, balayant toutes les conventions d’une thématique pourtant propice aux lieux communs et au déjà-vu. Ici, comme dans le Fascination de Jean Rollin, les buveurs de sang ne portent pas de capes, ne craignent pas la lumière, ne dorment pas dans des tombeaux et n’ont pas peur de l’ail ou du crucifix. Ce sont des gens de la haute bourgeoisie, réunis en confrérie et vivant sur une île isolée reconvertie en « ferme » d’un genre nouveau. Dans ce lieu en apparence paisible, aux allures de sanatorium de luxe, ils entretiennent de nombreux humains-esclaves dont ils vident régulièrement le sang pour s’en nourrir, selon une méthode clinique et industrialisée. Le liquide vermeil est extrait des « patients » via une pompe plantée directement dans le cou, puis acheminé dans de grandes cuves et collecté ensuite dans des récipients.
La « ferme » est donc une gigantesque usine macabre, et ces vampires d’un nouveau genre se délectent de l’hémoglobine des couches sociales inférieures non par besoin vital, mais parce qu’ils sont persuadés que c’est le meilleur moyen de ne pas vieillir et de gagner en puissance, suivant en cela la voie ouverte par la sinistre Comtesse Bathory. « Boire du sang, c’est l’acte aristocratique suprême » affirmera l’un des membres de la confrérie. Et lorsque leur mâchoire arbore des canines pointues, ce n’est qu’un accessoire qu’ils utilisent lors de rites d’initiation aux allures d’étranges messes. C’est au beau milieu de ce cauchemar feutré qu’atterrit Kate Davis. Kidnappée par la confrérie, elle s’avère être la descendante directe de la Comtesse Bathory, et ses « pairs » souhaitent la convertir de gré ou de force aux joies du vampirisme. Commence alors pour elle un parcours initiatique éprouvant où elle devra lutter contre l’instinct sanguinaire en se raccrochant comme elle peu aux parcelles d’humanité qui, peu à peu, se détachent de sa personnalité fragile.
L’acte aristocratique suprême
Passionnante de bout en bout, cette nouvelle vision du mythe bénéficie de comédiens puisant la conviction de leur jeu dans une étonnante sobriété (l’héroïne Chantal Contouri, le flegmatique David Hemmings, l’inimitable trogne d’Henry Silva) et de la mise en scène diaboliquement efficace d’un cinéaste qui se reconvertira ensuite sur le petit écran. La prison dorée que représente cette « ferme » n’est pas sans évoquer celle du Prisonnier, et quelques scènes choc resteront dans les mémoires, notamment la douche de sang, le cadavre en cire qui se décompose, ou encore le mur déformé sous l’assaut d’un monstre invisible. Et puis vient la morale de l’histoire, terrible et fatidique : s’il est suffisamment conditionné, n’importe quel être humain peut renoncer à sa personnalité et ses valeurs pour se muer en bête sanguinaire… Brrrrr !
© Gilles Penso
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