Laissé pour mort, un policier coriace se transforme en agent secret doué de capacités surhumaines
REMO WILLIAMS : THE ADVENTURE BEGINS
1985 – USA
Réalisé par Guy Hamilton
Avec Fred Ward, Joel Grey, Wilford Brimley, J.A. Preston, Kate Mulgrew, Charles Cioffi
Un an après le succès-surprise de Karaté Kid, Orion Pictures, firme comprenant des cadres dirigeants de United Artists (distributeur mythique de James Bond), surfe opportunément sur la vague en s’intéressant à l’adaptation de la série de romans « The Destroyer » (publiés en France sous le titre « L’Implacable »), qui voient un Maître coréen former des assassins et les fournir à une association secrète. Passif oblige, les membres du studio désirent créer une franchise d’espionnage mettant en scène un 007 prolétaire, anti-héros mal embouché. Ils recrutent logiquement Christopher Wood, l’un des plus généreux scénaristes Bondiens (L’Espion qui m’aimait, Moonraker) et le réalisateur de Goldfinger et Vivre et laisser mourir, Guy Hamilton. Wood gomme les aspects fantasques des livres qui voyaient s’agiter androïdes et savants fous, se concentrant sur le recrutement du héros, flic de choc que l’on fait passer pour mort, puis sur son entraînement à la dure avec Chiun, expert dans l’art ancestral du Sinanju, suivi de sa toute première mission.
Les auditions pour le rôle-titre débutent, voyant débarquer de nombreux spécialistes autoproclamés du Sinanju, ne sachant visiblement pas que la discipline est purement fictive. Le jeune Bruce Willis, alors au début de la série Clair de Lune, passe le casting, puis Ed Harris est pressenti, mais les producteurs lui préfèrent le côté malicieux de Fred Ward, son collègue astronaute de L’étoffe des héros, qui signe un contrat pour trois films et s’impliquera énormément dans les cascades. La tâche est plus ardue lorsqu’il s’agit de trouver celui qui incarnera son mentor : devant l’incapacité de recruter un comédien coréen et malgré la polémique qui en découle, les regards se tournent vers le yiddish Joel Grey, père de Jennifer, oscarisé pour sa prestation dans Cabaret. Ce dernier refuse, se sentant trop éloigné du personnage et n’ayant aucune aptitude martiale. Il changera d’avis face aux compétences de Carl Fullerton, maquilleur émérite ayant œuvré sur la saga Vendredi 13, qui parvient, à l’issue de 4h30 quotidiennes de travail acharné, à le transformer en asiatique de 80 ans (Fullerton récoltera une nomination aux Oscars mais perdra face à l’enfant monstrueux de Mask).
« Tu conduis comme un macaque en rut ! »
Fidèle à la décomplexion des années 80 (on passe sans sourciller du polar urbain à un esprit BD) et propulsé par le score galvanisant de Craig Safan, le film enchaîne des morceaux de bravoure que n’aurait pas reniés Roger Moore : une empoignade vertigineuse sur une Statue de la Liberté en rénovation (séquence imaginée par Hamilton lui-même), une folle poursuite avec des dobermans tenaces, une évasion permise par le diamant dentaire d’un homme de main, l’invention du « bullet time » bien avant Matrix, une marche sur l’eau qui flirte avec le fantastique et une escapade forestière aux allures guerrières magnifiée par la photographie granuleuse d’Andrew Laszlo, le chef opérateur de Rambo et Sans retour (déjà avec Ward). L’action trépidante n’empêche pas un humour omniprésent, à travers la décontraction de Remo (loués soient la VF et Yves Rénier, qui rendra tout aussi cool par la suite Crocodile Dundee ou le James Woods de Vampires) et ses rapports aussi houleux qu’hilarants avec Chiun, tueur impitoyable fan de soap opera. Ces chien et chat au grand cœur ne cessent de s’éreinter à coup de punchlines dévastatrices (« Tu bouges comme une guenon enceinte », « Tu conduis comme un macaque en rut »), et leur relation ambiguë se teinte progressivement d’une émotion palpable, élevant quasiment ce rapport père/fils à la hauteur de l’amitié respectueuse de Mickey Goldmill et Rocky Balboa. Ce coup d’éclat ne rencontrera pas son public, tuant dans l’œuf les épisodes prévus et une série dérivée dont seul subsiste un pilote réalisé par Christian I. Niby II (fils du metteur en scène de La Chose d’un autre monde), avec Jeffrey Meek et Roddy McDowall. Une injustice de taille, quelque peu rattrapée avec le temps, Remo étant devenu culte en vidéo et à la télévision. On attend cependant toujours une édition française de cette perle rare, proche dans son ton iconoclaste, son métissage d’influences et son héros dépassé par les mystères orientaux, d’un autre triste échec au box-office, Les Aventures de Jack Burton dans Les griffes du Mandarin.
© Julien Cassarino
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