Co-réalisé par William Lustig et Joel Soisson, ce troisième épisode marque les limites d’une franchise en perte de vitesse
MANIAC COP 3 : BADGE OF SILENCE
1993 – USA
Réalisé par William Lustig et Joel Soisson
Avec Robert Davi, Caitlin Dulany, Gretchen Becker, Paul Gleason, Jackie Earle Haley, Julius Harris, Robert Z’Dar
THEMA TUEURS I SAGA MANIAC COP
Troisième épisode de la franchise Maniac Cop, cet ultime opus est conçu dans la douleur. William Lustig est toujours aux commandes, tout comme Larry Cohen au scénario, Spiro Razatos aux cascades et David Kern au montage. Mais les choses se gâtent en cours de route. « Joel Soisson était l’un des producteurs, et sa responsabilité était que Maniac Cop 3 soit terminé selon un planning défini à l’avance », raconte Lustig. « Or le scénario a été modifié avant que nous commencions le tournage et cette réécriture a été faite dans l’urgence, sans possibilité d’affiner les choses. Du coup, nous nous sommes retrouvés avec un scénario qui n’était pas assez long pour un film de 90 minutes. Nous cherchions désespérément un moyen de rallonger l’histoire, mais toutes les idées qui étaient proposées me semblaient stupides. Je savais que je n’aurai pas assez de matériau pour terminer, et Joel Soisson voulait malgré tout que je puisse respecter les délais en intégrant au fur et à mesure toutes ces idées bizarres qui, selon moi, ne collaient pas du tout. Nous en sommes arrivés à un point où j’ai dit à Joel : “Écoute, tu n’as qu’à finir le film toi-même. J’ai fait le plus gros du tournage, j’ai réalisé toutes les grosses scènes d’action, j’ai fait mon travail, finis ce film comme tu l’entends et laisse-moi tranquille !“ » (1) Quand on connaît l’envers du décor, les nombreuses incohérences qui jonchent le scénario sont plus faciles à comprendre.
Un texte prégénérique résume rapidement les faits décrits dans les films précédents. L’enterrement du flic psychopathe Matt Cordell, sur lequel s’achevait Maniac Cop 2, nous est montré à nouveau, monté en parallèle avec une sorte de cérémonie vaudou qui provoque sa résurrection. Robert Davi rempile dans le rôle principal, même si son personnage était absent de la première version du scénario. « Figurez-vous qu’au départ le personnage principal du film était un policier noir », explique William Lustig. « Or le marché le plus important pour la série Maniac Cop était le Japon. Et nous avons découvert que les distributeurs japonais n’acceptaient pas de films avec un acteur principal noir ! Ils refusaient donc de signer le deal sans expliquer pourquoi. Quelqu’un a compris d’où venait le problème, et nous nous sommes retrouvés dans une situation impossible. Le film ne pouvait pas se concrétiser financièrement sans le marché japonais, alors j’ai suggéré quelque chose. Je leur ai dit : “dites-leur que Robert Davi est l’acteur principal de Maniac Cop 3”. Aussitôt, les distributeurs japonais ont dit oui. Pouvez-vous imaginer une chose pareille ? » (2) D’où les changements d’écriture de dernière minute qui précipitent le départ du réalisateur en cours de production. Revoilà donc l’inspecteur bourru campé par Davi, qui enquête sur un cadavre retrouvé décapité avec une patte de poulet à la place de la tête. Sa collègue Kate Sullivan (Gretchen Becker) est une policière un peu zélée que ses collègues ont surnommée « Maniac Kate ». Prise dans une fusillade au milieu d’une pharmacie, elle est gravement touchée. Dans le coma, notre femme-flic rêve qu’elle épouse Cordell ! Le potentiel de son personnage, sorte de relecture de La Fiancée de Frankenstein, est prometteur. Mais il restera inexploité, victime collatérale d’un scénario qui se réécrit quasiment au jour le jour.
« J’aime l’odeur du sang frais avant le petit dej ! »
Malgré sa conception chaotique, Maniac Cop 3 n’est pas dénué de qualités. Certaines séquences situées dans l’hôpital, qui ne sont pas sans évoquer Halloween 2, sont plutôt soignées, qu’il s’agisse du long plan-séquence pendant une discussion entre le chef de la chirurgie et un procureur au milieu des malades agonisants et des médecins ou des meurtres inventifs du Maniac Cop (l’attaque au défibrillateur, le meurtre au rayon X). Le film s’offre aussi quelques salves satiriques à l’encontre des milieux de médecine (les docteurs qui draguent tout ce qui bouge, les répliques improbables du genre « bon sang c’est fou ce que je peux aimer l’odeur du sang frais avant le petit dej ! »), de la presse (les deux journalistes charognards qui cherchent à filmer les scènes de crime les plus glauques) ou de la justice (les petits arrangements entre avocats et procureurs). Mais le film ne tient pas la route et les derniers rebondissements partent dans tous les sens. Sorcellerie, pyrotechnie, cascades automobiles, humour décalé, romances improbables, tous les cache-misères ne suffisent pas à masquer l’inexistence d’un dernier acte digne de ce nom. De fait, malgré sa fin ouverte, cet épisode mettra un point final à la saga.
(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2016
© Gilles Penso
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