Le fils de Flynn, héros du premier Tron disparu sans laisser de trace, reçoit un message de son père provenant de l’univers virtuel qu’il avait jadis créé…
TRON : LEGACY
2010 – USA
Réalisé par Joseph Kosinski
Avec Jeff Bridges, Garrett Hedlund, Olivia Wilde, Bruce Boxleitner, Michael Sheen, James Frain
Tron : l’héritage fait partie des projets Disney destinés à séduire les adolescents des années 80 devenus parents aujourd’hui, en misant sur la nostalgie et l’envie de partager une séance avec leurs petites têtes blondes. Bien que le premier Tron ne fut pas une affaire très juteuse en son temps, deux scènes impressionnèrent durablement les « gamers » : les motos lumineuses et les affrontements façon pelote basque électronique. Pas étonnant dès lors que Tron : l’héritage ait été vendu en grande partie sur la présence dans le film des versions 2.0 des dites séquences. Malheureusement, une fois passées ces deux jolies démonstrations survenant après une demi-heure de mise en place très schématique, cette suite tardive s’essouffle et s’enlise dans des considérations techno-mythologiques pour le moins absconses. Après un plan d’ouverture d’une efficacité incontestable, en partie grâce à la percutante bande originale électro-symphonique de Daft Punk, Tron : l’héritage procède à une exposition concise mais finalement suffisante : Flynn (Jeff Bridges) a disparu il y a dix ans et son fils Sam (Garrett Hedlund), actionnaire principal d’Encom, refuse de prendre la direction d’une société qui lui a littéralement volé son père. Alors que la multinationale s’apprête à célébrer en direct la mise en vente de son nouveau système d’exploitation, Sam s’introduit dans les locaux de la société et met en ligne gratuitement le code du nouveau logiciel. Le lendemain, il reçoit un message de son père le menant à son ancien ordinateur qui l’avait jadis propulsé dans le monde virtuel de Tron. Sam est à son tour happé par le système. Parviendra-t-il à retrouver son père et le ramener dans le monde réel ?
A l’instar de la majorité des films recyclant les titres-phares des années 80, Tron : l’héritage se veut autant une suite qu’un remake et un reboot. Pourtant, la « mise à jour » pouvait ici se justifier puisque les possibilités de l’informatique et la conceptualisation des mondes virtuels ont bien évolué depuis 1982. Malheureusement, Joseph Kosinski nous en propose une vision fantaisiste, certes dans la continuité du Tron original mais totalement archaïque pour la génération Playstation sevrée à Matrix. Force est de reconnaitre que sur le plan visuel, Tron : l’héritage nous en met plein les mirettes, avec plusieurs scènes tournées en IMAX et une 3D maîtrisée et pertinente (les possesseurs de vidéoprojecteurs 3D se doivent de posséder le film). Mais le scénario est d’une linéarité qui met en exergue son manque de matière, bien que les deux scénaristes Adam Horowitz et Edward Kitsis intègrent superficiellement quelques idées éprouvées comme la quête du père, l’utopie déçue, la foi et la divinité (des thèmes déjà présents dans leur travail pour les séries Lost et Once Upon a Time). Sont-ils de fervents disciples de Joseph Campbell, l’auteur de l’ouvrage de référence « Le Héros aux 1001 visages », ou simplement des fans régurgitant la synthèse clé-en-main qu’en avait déjà faite George Lucas ? On penche pour la dernière option, tant les références à La Guerre des étoiles abondent – voir ce « gag » ou Sam agite comme un sabre-laser un bâton dont il ignore l’utilité…
La victoire du système
La direction artistique repose entièrement sur l’opposition entre blanc et noir, une dichotomie cristallisée par la présence d’un jeu de Go dans le sanctuaire de Flynn (un décor directement « emprunté » à 2001 L’odyssée de l’espace). On s’attend dès lors à ce que l’issue du film soit inévitablement manichéenne mais c’est sur une inconfortable nuance de gris que se clôt l’affaire. Bien sûr, les films de studio font toujours preuve d’un certain conservatisme prudent. Mais comme dans Alice au pays des merveilles de Tim Burton ou même le plus ancien L’Ile sur le toit du monde de Robert Stevenson, tous deux produits par Disney, l’accomplissement du parcours héroïque de Sam s’accompagne de surprenantes velléités corporatistes. On notera pourtant que Tron : l’héritage s’autorise une saillie à Steve Jobs, en faisant une allusion directe à son légendaire désaccord avec Steve Wozniak, les deux hommes étant respectivement le businessman et le concepteur idéaliste d’Apple. D’autant plus surprenant que Steve Jobs siégeait au conseil d’administration de Disney depuis 2006. Mais bien que Flynn père soit lui-même décrit comme un hippie sur le retour (bracelet de perles à l’appui) dépassé par la société et le monstre technologique qu’il a créées, jamais Kosinski ne suggère de débrancher la machine ; juste de mettre à sa tête un jeune homme sans expérience et sans compétence particulière… Le monde de demain, c’était peut-être mieux avant ?
© Jérôme Muslewski
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