Un archéologue et un riche homme d’affaire partent pour le Pôle Nord et découvrent une île perdue habitée par des Vikings
THE ISLAND AT THE TOP OF THE WORLD
1974 – USA
Réalisé par Robert Stevenson
Avec David Hartman, Donald Sinden, Jacques Marin, Mako, David Gwillim, Agneta Eckemyr, Gunnar Ohlund, Torsten Wahlund
THEMA EXOTISME FANTASTIQUE
Projet initié dès 1968 par les studios Disney, soit deux ans après la mort de l’oncle Walt, L’Ile sur le toit du monde de Robert Stevenson débarque finalement sur les écrans en 1974 avec un succès pour le moins mitigé, qui peut s’expliquer par le caractère totalement anachronique de l’entreprise. Car cette production est prise entre la volonté d’un studio à la dérive de renouer avec l’esprit et la réussite de son 20 000 lieues sous les mers, sorti vingt ans plus tôt, et les attentes d’un public familial s’apprêtant sans le savoir à découvrir La Guerre des étoiles trois ans plus tard. Difficile de croire d’ailleurs que les deux films aient coexisté dans la même décennie, tant L’Ile sur le toit du monde parvient justement à ressembler à un film « à l’ancienne ». Situer l’action en 1907, au lieu de 1960 comme dans le roman d’origine, y contribue grandement, de même que le grand âge de Robert Stevenson (70 ans à la sortie du film), un habitué de la maison Disney pour qui il signe en tout une vingtaine de titres dont Mary Poppins, Le Fantôme de Barbe-Noire, L’Apprenti-sorcière ou Un Amour de Coccinelle. L’histoire débute à Londres. Sir Anthony (Donald Sinden), un riche homme d’affaire, demande au professeur Ivarrson (David Hartman), archéologue, de se joindre à une expédition dans le Pôle Nord pour retrouver son fils, disparu alors qu’il recherchait un légendaire cimetière de baleines. Emmenés par le capitaine Brieux (Jacques Marin) à bord de son dirigeable l’Hyperion, les trois hommes découvrent une île non-répertoriée habitée par des Vikings coupés du monde depuis des siècles. Là-bas, le fils de Sir Anthony semble mener la vie qui lui convient, loin du monde moderne. Mais le chef du village, n’appréciant guère ces nouveaux visiteurs, les condamne à mort…
Au vu du synopsis, on voit clairement la tentative d’invoquer l’esprit de Jules Verne et de 20 000 lieues sous les mers. Dommage dès lors que le Cinemascope soit abandonné au profit d’un format 35 mm standard (soit à peu de choses près le 16:9 de nos téléviseurs) mais ce choix tient en grande partie à une nécessité technique : L’Ile sur le toit du monde est en effet une succession quasi-ininterrompue de plans truqués, au point que le découpage évoque plus un film d’animation maison (de l’époque) qu’un film en prises de vue réelles, de par les cadres majoritairement fixes mais à la composition étudiée. De fait, si la mise en scène est donc plutôt sage en soi, le spécialiste des effets spéciaux Peter Ellenshaw s’en donne à cœur joie. Certes, d’aucun pointeront du doigt certaines peintures sur verre à la finition douteuse, mais de par leur nombre, elles font du film un véritable chant du cygne de l’ère 100% artisanale, juste avant que la caméra opérée par ordinateur d’ILM ne fasse tournoyer les chasseurs X au-dessus de l’Étoile Noire en 1977. Quant aux séquences de vol de l’Hyperion, elles conservent toute leur poésie et continuent d’enflammer l’imaginaire des enfants de 7 à 77 ans, à l’instar du Nautilus en son temps. On notera par ailleurs la présence d’une réplique grandeur nature de l’Hyperion (en fait le nom de la rue ou se situait le premier studio de Walt Disney) dans le parc Disneyland Paris, preuve que bien qu’il soit finalement peu connu du grand public, le film a marqué durablement certains esprits.
Un discours contemporain en filigrane
Alors que tout l’attrait de L’Ile sur le toit du monde tient à son invitation à l’aventure et à la découverte, on peut déplorer qu’à mi-parcours, un échange entre Sir Anthony et son fils retrouvé vienne un peu sonner comme une fausse note, entravant soudainement la magie et teintant le film d’un discours conservateur, voire un brin cynique. Car si tout est fait pour émuler le cinéma hollywoodien des années 50/60, les seventies s’invitent dans l’affaire alors que la communauté Viking est à demi-mot assimilée au mouvement hippie. Le fils affirme d’ailleurs qu’il est venu là pour « chasser des arcs-en-ciel ». En réponse à son père s’inquiétant de savoir s’il était parti pour le fuir, il le rassure en expliquant qu’il ne cherchait qu’un peu d’aventure et accepte sans se faire prier de revenir au bercail pour prendre la succession des affaires paternelles. Un renoncement aux idéaux et au rêve que l’on retrouve dans Alice au pays des merveilles de Tim Burton et Le Retour de Mary Poppins de Rob Marshal, également produits par Disney. Mais qu’importe : abstraction faite de cette petite contradiction morale et de l’impossibilité de surpasser le modèle que constitue 20 000 lieues sous les mers, L’Ile sur le toit du monde ne souffre d’aucune baisse de régime et offre des images mémorables, en particulier toutes les scènes impliquant les miniatures de l’Hyperion. Quant à la réalisation qui met en scène les acteurs dans des décors construits partiellement et complétés par des peintures sur verre, quand ils ne sont pas carrément filmés sur fond bleu, elle anticipe avec 25 ans d’avance l’approche alors révolutionnaire de George Lucas sur La Menace fantôme. Pas mal pour un film semble-t-il mal aimé et tombé en désuétude jusqu’au sein de la corporation Disney elle-même.
© Jérôme Muslewski
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