Une bande de mauvais garçon rôde chaque soir dans une petite ville de Californie. Leur particularité ? Ce sont des vampires !
THE LOST BOYS
1987 – USA
Réalisé par Joel Schumacher
Avec Jason Patric, Corey Haim, Kiefer Sutherland, Dianne Wiest, Barnard Hughes, Corey Feldman
THEMA VAMPIRES
Nouveaux venus dans le monde du cinéma, Janice Fischer et James Jeremias écrivent à quatre mains le scénario de The Lost Boys qu’ils imaginent comme une sorte d’hommage à « Peter Pan ». Les « garçons perdus » du titre se réfèrent en effet à ceux imaginés par James Barrie avec qui ils partagent la même particularité : ils ne vieillissent pas. Le scénario est pensé sur mesure pour le réalisateur Richard Donner, d’où de nombreuses allusions aux Goonies avec des personnages principaux entre 12 et 14 ans. La compagnie de production indépendante PSO se lance dans l’aventure, bientôt épaulée par le studio Warner. Mais le projet met du temps à se concrétiser et Richard Donner finit par décliner la proposition pour partir tourner L’Arme fatale, ce dont nul ne se plaindra. Joel Schumacher, qui vient de diriger St Elmo’s Fire, prend la relève à une condition : élever l’âge des protagonistes. A ses yeux, une histoire de vampires n’a d’intérêt que si elle comporte un caractère sexuel. Ses personnages principaux auront donc entre 18 et 20 ans, et le scénariste Jeffrey Boam (Dead Zone, L’Aventure intérieure et justement L’Arme fatale) est sollicité pour revoir le scénario dans cette optique. Tourné en trois semaines, principalement à Santa Cruz (qu’on pourrait traduire par « croix sacré », ce qui ne manque pas d’ironie pour un film de vampires), Génération perdue offre un rôle clé à Kiefer Sutherland, que Schumacher a découvert dans Comme un chien enragé de James Foley. Charge à lui d’incarner le chef des « garçons perdus » avec une économie de dialogues qu’il compensera par une présence physique magnétique.
Après son divorce, Lucy Emerson (Dianne Wiest) quitte Phoenix avec ses deux fils Sam (Corey Haim) et Michael (Jason Patric) pour s’installer chez leur grand-père excentrique (Barnard Hughes) dans la paisible cité balnéaire de Santa Clara. D’emblée, les lieux dégagent une atmosphère insolite, avec cette fête foraine installée sur la plage, ces punks qui errent à chaque coin de rue, ces innombrables affichettes de personnes disparues… En assistant à quelques spectaculaires séquences d’attaques nocturnes où des citoyens sont littéralement arrachés du sol par des créatures venues du ciel, le spectateur a un coup d’avance sur les protagonistes : il découvre que Santa Clara n’est pas seulement un lieu étrange, c’est un endroit dangereux. Chaque soir, une bande de voyous indésirables menée par David (Kiefer Sutherland) vient perturber les honnêtes gens. En se laissant séduire par Star (Jami Gertz), une fille qui traîne avec ce petit groupe, Michael se joint à eux. Mais devenir l’un des leurs, c’est accepter de tromper la mort (d’où cette étonnante séquence sur un pont suspendu au-dessus du vide) et devenir soi-même une créature de la nuit. Lorsque son jeune frère découvre que le reflet de Michael devient transparent dans un miroir, la panique le saisit. « Tu es un vampire ? Attend que maman apprenne ça ! » crie-t-il, tandis que son aîné peine à contrôler sa capacité à défier la gravité. Génération perdue oscille ainsi en permanence entre un humour impertinent pas très éloigné de l’univers de Joe Dante et une vision romantique du mythe du vampirisme. Grâce au charisme de ses comédiens et aux effets de style de Joel Schumacher, cette alchimie risquée fonctionne à plein régime et le charme opère…
L'air du temps
Avec le recul, la mise en scène du futur réalisateur de L’Expérience interdite et Chute libre nous surprend par son modernisme. Certes, certains maniérismes résolument « eighties » sont sans doute trop excessifs, mais par bien des aspects le cinéaste prouve qu’il est en avance sur son temps, ne serait-ce que par son sens du montage et de l’adéquation entre l’image et la musique. Nous sommes alors en plein essor du vidéoclip, dont les codes sont ici repris et détournés avec panache. Ce jeu d’équilibre permanent entre l’élégance et l’exubérance est une véritable marque de fabrique de Schumacher, qui n’hésite jamais à repousser les limites stylistiques pour capter l’air du temps. Le thème même de Génération perdue le place au confluent de deux univers : d’un côté le gothisme hérité des histoires de vampires classiques (d’où ce décor de boîte de nuit baroque en ruines, cette lande baignée d’épaisses nappes de brumes), de l’autre une réinvention ultramoderne du mythe qui positionne le film comme un témoignage fidèle des modes et du style de vie des années 80. Ses vampires sont donc de jeunes adultes habillés comme des punks qui se déplacent en motos pétaradantes. Dans sa dernière partie, Génération perdue cède aux passages obligatoires du genre horrifique en laissant Greg Cannom et Ve Neill concocter des effets de maquillages impressionnants (sans jamais oublier de conserver le caractère « sexy » des vampires, mot d’ordre du réalisateur). Certes, l’assaut final dans la maison du grand-père va sans doute trop loin, se muant en une sorte de version sanglante et explosive de Maman j’ai raté l’avion. Mais l’énergie que dégage ce film et sa vision romantico-ténébreuse des vampires ont fait mouche, lui garantissant un très gros succès critique et public au moment de sa sortie.
© Gilles Penso
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