LA BELLE ET LA BÊTE (2014)

Christophe Gans réinvente le célèbre conte avec Vincent Cassel et Léa Seydoux en tête d’affiche

LA BELLE ET LA BÊTE

 

2014 – FRANCE

 

Réalisé par Christophe Gans

 

Avec Léa Seydoux, Vincent Cassel, André Dussollier, Eduardo Noriega, Myriam Charleins, Audrey Lamy, Sara Giraudeau, Jonathan Demurger, Nicolas Gob

 

THEMA CONTES

Christophe Gans est autant connu pour les films qu’il a réalisés que pour ceux qui n’ont pas pu se concrétiser. Parmi ces fantasmes de fans perdus dans les limbes de « l’enfer du développement », on note une prequel de 20 000 lieues sous les mers, une adaptation des aventures de Bob Morane et une autre des albums de Rahan. Tous ces rendez-vous manqués expliquent en partie pourquoi une si longue période sépare Silent Hill de La Belle et la Bête. A vrai dire, Gans s’attelle au scénario de cette nouvelle version du célèbre conte dès 2011, avec l’écrivain Sandra Vo Anh. L’influence du classique de Jean Cocteau est incontournable, mais les deux auteurs cherchent également à remonter aux sources du récit tel qu’il fut narré par Gabrielle-Suzanne de Villeneuve en 1740, La Belle et la Bête de 1946 s’appuyant surtout sur la version abrégée écrite par Marie Le prince de Beaumont seize ans plus tard. D’autres sources d’inspiration viennent compléter le tableau, notamment la version tchèque du conte réalisée par Juraj Herz (avec son sous-texte socio-politique) et le cinéma d’Hayao Miyazaki (pour la dimension écologique et environnementale). Richard Grandpierre et sa société Eskwad produisent le film, qui sera tourné en français avec un casting de prestige. Pour la belle, le réalisateur choisit Léa Seydoux, persuadé que la comédienne saura illuminer l’écran en transcendant l’image boudeuse qu’elle véhicule généralement. Dans la peau de la Bête, Vincent Cassel est le seul choix que Gans envisage, le film marquant leurs retrouvailles onze ans après Le Pacte des loups. Le père de Belle est incarné par André Dussollier, après le désistement à la dernière minute de Gérard Depardieu. Quant aux sœurs capricieuses de l’héroïne, elles prennent les visages de Sara Giraudeau et Audrey Lamy.

Tourné en 57 jours aux studios allemands de Babelsberg, La Belle et la Bête version 2014 prend la tournure (au sens propre) d’un magnifique livre d’images. La somptueuse direction artistique de Thierry Flamand, les décors d’Etienne Rohde, les costumes de Pierre-Yves Gayraud, la musique de Pierre Adenot, la photographie de Christophe Beaucarne, tout concourt à doter cette version d’une patine de toute beauté. Avec son format large en couleurs, Gans s’éloigne volontairement de l’influence artistique de Jean Cocteau, reconstituant avec panache la France de 1810. Dès l’entame, l’un des sujets majeurs du film est abordé frontalement : la chute d’un Empire, la fin de l’aristocratie, la dégringolade sociale. Le riche armateur De Beaufremont se retrouve ainsi ruiné après le naufrage de ses trois navires et quitte à contrecœur avec sa famille une luxueuse demeure en pleine ville pour se réfugier dans une modeste maison de campagne. Un concours de circonstance le jette dans la gueule du loup, autrement dit le château de la Bête qui épargne sa vie en échange de celle de sa plus jeune fille. Belle s’installe donc dans le sinistre et vaste fief du monstre, symbole à grande échelle d’une fin de règne. Ce que confirment les flash-back montrant le prince sous ses atours humains, à une époque où le faste régnait encore en son royaume. Cette symbolique de la débauche impériale est aussi retranscrite par les traits de la Bête, que Gans veut proches du lion, un parti pris artistique dont il fait part au designer Patrick Tatopoulos et qui entre en cohérence avec le maquillage porté jadis par Jean Marais.

Une histoire éternelle

La technique employée pour donner corps à la Bête est mixte. Si Vincent Cassel joue lui-même le personnage dans toutes les scènes, et s’il porte un masque conçu par l’équipe de Tatopoulos, toutes les expressions de son visage félin sont finalisées numériquement. La technique est habile, tirant parti du « meilleur des deux mondes » (la performance réelle et le rendu digital), même si les puristes que nous sommes auraient sans doute préféré une approche à l’ancienne, via l’usage de prothèses appliquées directement sur le visage du comédien. Cette remarque touche aussi au déferlement d’effets visuels auquel le métrage sacrifie à mi-parcours pour traduire l’aspect fantasmagorique du récit. Le film avait-il besoin de ces dizaines de petites créatures canines qui s’ébattent en tous sens comme pour cligner de l’œil vers la version de Disney (que Gans n’apprécie pourtant pas) ? La première apparition de la Bête n’était-elle pas assez impressionnante ? Fallait-il la faire précéder du surgissement d’une statue géante s’animant en criant ? Statue qui revient en plusieurs exemplaires pour dynamiser un climax surdimensionné où la Bête bondit soudain comme le Fauve des X-Men et où de gigantesques plantes tentaculaires se déploient soudain en tous sens. Cette quête du spectaculaire semble superflue, là où la simple magie aurait suffi. Nous aurions tendance à préférer l’épure et la simplicité de cet épilogue qui clôt joliment une histoire décidément éternelle.

 

© Gilles Penso



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