ILS SONT FOUS CES SORCIERS (1978)

Face à la caméra de Georges Lautner, Jean Lefebvre et Henri Guybet sont frappés par une malédiction qui transforme leur quotidien en enfer

ILS SONT FOUS CES SORCIERS

 

1978 – FRANCE

 

Réalisé par Georges Lautner

 

Avec Jean Lefebvre, Henri Guybet, Renée Saint-Cyr, Daniel Ceccaldi, Julien Guiomar, Catherine Lachens, Michel Peyrelon

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Georges Lautner est une institution, un monument dans l’histoire du cinéma français qu’il para de quelques joyaux inestimables pendant trois décennies. Dans les années 60-70, il nous régala avec L’Œil du monocle, Les Tontons flingueurs, Les Barbouzes, Ne nous fâchons pas, Le Pacha… Au cours des années 80, il offrit à Jean-Paul Belmondo les rôles de Flic ou voyou, Le Guignolo, Le Professionnel, Joyeuses Pâques… Autant dire qu’entre ces deux périodes fastes, Ils sont fous ces sorciers fait un peu tâche ! On en vient honnêtement à se demander si le film n’a pas été conçu dans le seul but d’offrir à son équipe des vacances tous frais payés à l’île Maurice. C’est en tout cas là-bas que démarre l’intrigue de cette comédie franchouillarde au ras des pâquerettes. Envoyé sous le soleil mauricien par son employeur, Julien Picard (Jean Lefebvre) doit signer un contrat avec Jean La Pallière (Laurent Ceccaldi), inventeur de la bouillabaisse créole. Sur place il rencontre la conférencière pédante Marie-Louise (Renée Saint-Cyr, la propre mère de Lautner) et le touriste lourdaud Henri Berger (Henri Guybet). À l’issue d’un repas bien arrosé, Julien et Henri vident leur vessie sur un totem sacré… Ce qui devait arriver arriva : la colère des Dieux gronde et une terrible malédiction s’abat sur eux…

La première partie d’Ils sont fous ces sorciers, située donc dans un cadre insulaire touristique digne de celui des Bronzés, ne se contente pas de faillir à agiter les zygomatiques des spectateurs. Elle est surtout embarrassante. Jean Lefebvre traverse mollement l’écran en donnant l’impression qu’il ignore tout de la raison de sa présence devant la caméra, Henri Guybet hurle chacune de ses répliques et sature la bande-son de rires gras, Renée Saint-Cyr déblatère des pseudo commentaires ethniques à grands renforts d’images documentaires glauques (prises de vues sous-marines filmées à la va-vite, cérémonies tamoules au cours desquelles la population se scarifie en gros plan) et Lautner semble visiblement tourner et monter tout ce matériau à l’aveuglette. Fort heureusement, les choses s’améliorent un peu lorsque nos protagonistes rentrent à Paris et que l’intrigue prend les atours plus classiques du Vaudeville. Là, la narration est plus serrée, le rythme plus rigoureux et les gags plus percutants. Les acteurs eux-mêmes trouvent enfin leurs marques, Lefebvre réinvestissant l’écran avec plus de présence et Guybet abandonnant son surjeu hystérique. Il faut dire qu’ils sont épaulés par des partenaires de poids : le charismatique Julien Guiomar, dans le rôle du patron tyrannique, et la lunaire Catherine Lachens dans celui d’une épouse évaporée qui semble débarquer d’une autre planète.

Magie aléatoire

Les manifestations surnaturelles qui visualisent la malédiction dont souffrent nos deux héros partent un peu dans tous les sens, signe d’une manifeste indécision des auteurs face à cet argument fantastique qu’ils maîtrisent mal. Mais cette diversité aléatoire de phénomènes paranormaux permet au moins de varier les plaisirs et de distraire raisonnablement les spectateurs : invisibilité partielle, lévitation, télékinésie, télépathie, dédoublements, traversée des murs, il y en a pour tous les goûts. Le clou du spectacle survient une nuit de pleine lune où Lefebvre se réveille avec une pilosité de loup-garou et Guybet avec des canines de vampire. Auteurs des divers effets spéciaux mécaniques sollicités par le scénario, Jo Patrick et Georges Iaconelli rivalisent d’inventivité malgré un budget qu’on imagine limité. Puis Rémy Julienne prend le relais pour une séquence de poursuite automobile qui s’autorise tous les excès, la Fiat de Lefebvre se déplaçant toute seule, s’envolant, se hissant à côté d’un poids lourd ou plongeant dans les eaux pour éviter les encombrements… Divertissant mais tout à fait dispensable, ce cocktail étrange se déguste avec beaucoup de modération et s’avère parfaitement anecdotique au sein de l’œuvre du père des Tontons flingueurs.

 

© Gilles Penso



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