Jacques Villeret s’agite dans une comédie de Claude Zidi qui mêle espionnage, science-fiction et vaudeville dans le plus grand désordre
BÊTE MAIS DISCIPLINÉ
1979 – FRANCE
Réalisé par Claude Zidi
Avec Jacques Villeret, Kelvine Dumour, Céleste Bollak, Michel Aumont, Catherine Lachens, Michel Robbe
Malgré leurs stars respectives, L’Animal et La Zizanie n’auront pas été les triomphes attendus. Pour son dixième long-métrage, Claude Zizi cherche alors à varier les plaisirs, tout en restant fidèle au genre comique qu’il a toujours défendu. Avec la bénédiction de son producteur Christian Fechner, il puise son inspiration un peu partout, mélangeant les bidasseries des débuts de sa carrière (Les Bidasses en folie, Les Bidasses s’en vont en guerre) avec des éléments de science-fiction et d’espionnage surfant sur la vogue de La Guerre des étoiles et des James Bond incarnés par Roger Moore. Il ne reste plus qu’à trouver l’acteur principal de cette loufoquerie disparate co-écrite avec Didier Kaminka et titrée Bête mais discipliné. Écartant les têtes d’affiche, Zidi se tourne vers Jacques Villeret. Pas encore célèbre auprès du grand public, le futur François Pignon du Dîner de con a pourtant déjà beaucoup tourné, notamment pour Claude Lelouch, Yves Boisset et Elie Chouraqui. Zidi lui offre le rôle sur mesure de Jacques Cardot, un jeune appelé « bête mais discipliné » que le scénario plongera dans une cascade de situations impensables.
Rondouillard, timide, introverti et follement éperdu d’une jeune fille employée dans une station thermale, Jacques est la risée de ses camarades de chambrée, parmi lesquels on reconnaît de tout jeunes Daniel Auteuil et Gérard Lanvin, esquissant un peu maladroitement les personnages archétypaux dont ils se feront une spécialité (le petit malin débordant de cynisme pour l’un, le grand bougon jouant les mauvais garçons pour l’autre). Jacques attend avec impatience la perm’ qui lui permettra de retrouver sa belle et de lui offrir le médaillon qu’il lui a acheté en vidant ses économies. Mais rien ne va se passer comme prévu. Dans le laboratoire de la base militaire, une cargaison top-secret doit absolument être transportée jusqu’au ministère de l’intérieur dans un convoi placé sous la responsabilité de l’officier Stévenin (Michel Aumont). Or Jacques est désigné d’office pour conduire le véhicule. Pas aussi bête ou disciplinée qu’on voudrait bien le croire, la jeune recrue détourne le convoi pour se rendre à l’hôtel des thermes. Mais cette insubordination va avoir des conséquences catastrophiques, d’autant que la précieuse cargaison est une nouvelle arme d’un genre très spécial…
Un film qui annonce Piège de cristal et Terminator ?
Claude Zidi a beau plonger Jacques Villeret dans les situations les plus ridicules (affublé d’un costume de marin qui le fait ressembler à un petit garçon, couvert de boue des pieds à la tête), le comédien reste touchant, fragile et attendrissant en toutes circonstances. Du coup, les ressorts comiques du film ne fonctionnent pas aussi bien que Zidi et Kaminka le voudraient. La maladresse lunaire de Villeret et le zèle colérique d’Aumont auraient pu créer un de ces duos comiques antithétiques dont Francis Veber a le secret, mais Bête mais discipliné n’a pas cette ambition. Il navigue un peu à vue, accumulant les gags sympathiques mais peu mémorables au sein d’une intrigue somme toute assez faible. Restent quelques quiproquos vaudevillesques efficaces dans une chambre d’hôtel, et surtout une poignée de séquences qui semblent presque préfigurer les futurs blockbusters hollywoodiens de la décennie suivante. Car en voyant Aumont ramper dans les couloirs d’aération de l’hôtel pour espionner les voisins, comment ne pas penser à Piège de cristal ? Et lorsque débarque un tueur cyborg (incarné par l’impressionnant René Van De Val) à l’œil rouge clignotant et à la main métallique dont chaque doigt est une arme, on jurerait voir un Terminator avant l’heure. Hasard ? Coïncidence ? Très probablement. Cela dit, James Cameron puisera plus tard son inspiration chez Claude Zidi et Didier Kaminka en signant le remake de La Totale, alors sait-on jamais ? Le « McGuffin » de Bête mais discipliné, cette fameuse cargaison après qui tout le monde court, est l’autre élément de science-fiction du film, puisqu’il s’agit d’un gaz expérimental changeant le comportement des gens. Les uns deviennent euphoriques, les autres se prennent pour des animaux ou pour des danseurs étoiles, bref c’est la panique au sein du climax joyeusement délirant de cette œuvre sympathique mais très dispensable.
© Gilles Penso
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