Jane Fonda incarne une héroïne pop et sexy partie aux confins de l’univers pour retrouver un savant fou et son rayon mortel
BARBARELLA
1968 – FRANCE / ITALIE
Réalisé par Roger Vadim
Avec Jane Fonda, John Philip Law, Anita Pallenberg, Milo O’Shea, Marcel Marceau, Claude Dauphin, David Hemmings, Ugo Tognazzi, Serge Marquand
THEMA SPACE OPERA
« Le premier film d’eros-fiction » pouvait-on lire sur certains posters de Barbarella, ce qui ne veut absolument rien dire mais indique bien le caractère expérimental de ce space opera « peace and love » conçu en pleine période Woodstock. Confier un film de science-fiction à Roger Vadim était en soi un drôle de pari. Le réalisateur de Et Dieu créa la femme et Le Vice et la vertu allait-il être à son aise dans une aventure intergalactique ? “Oui !” s’exclame le mogul Dino de Laurentiis, qui produit la même année Danger Diabolik de Mario Bava, et n’en est pas à son premier coup de flair. Qui mieux que Vadim saura sublimer les formes généreuses de Jane Fonda, alors compagne du cinéaste, et la muer en icône pop et sexy au sein d’un récit rocambolesque inspiré de la célèbre bande-dessinée de Jean-Claude Forest ? Richard Fleischer est pourtant un moment pressenti à la tête du projet, mais cette année-là le réalisateur du Voyage fantastique part tourner L’Étrangleur de Boston avec Tony Curtis. Fleischer et De Laurentiis vivront d’autres aventures cinématographiques ensemble. En attendant, Vadim hérite de la transposition en chair et en os (surtout en chair) de la BD. Conçue en 1962 à la demande des éditeurs de la revue de charme « V-Magazine », la Barbarella de Forest s’inspire en grande partie des comics consacrés à Flash Gordon et a droit à ses propres albums à partir de 1964. Le dessinateur est logiquement invité à participer à la conception des décors du film, qui sera tourné à Rome avec une équipe internationale des deux côtés de la caméra.
Même si Barbarella atténue légèrement le caractère érotique de la bande dessinée, qui fit scandale en son temps, Jane Fonda n’est pas vraiment avare de ses charmes. Le film commence d’ailleurs par un strip-tease en pleine anti-gravité, la belle passant de l’ample combinaison de cosmonaute au costume d’Ève, le temps d’un générique enivrant qui défile sur une chanson délicieusement sixties signée Bob Crewe et Charles Fox. Vêtue d’une tenue différente pour chaque scène (dont l’une imaginée par Paco Rabane), elle évolue dans un univers fellinien, au milieu de décors superbement exubérants et de protagonistes bariolés. La direction artistique du film est l’un des points forts du film, puisant son inspiration dans les codes visuels psychédéliques de l’époque. Les couleurs grises et les architectures rectilignes habituellement de mise dans les univers futuristes cèdent ici la place à des formes arrondies, organiques et multicolores d’inspiration mi-végétale mi-animale. Au sein de ces parti pris visuels étonnants s’inscrivent de nombreux effets spéciaux rivalisant d’inventivité, supervisés par le vétéran August Lohman (Le Jour le plus long, Moby Dick, Jack le tueur de géants). Les maquettes, les peintures sur verre, les effets mécaniques et les trucages optiques s’y entremêlent avec bonheur.
À la recherche de Duran Duran
Le scénario de Terry Southern, Roger Vadim et Claude Brulé envoie Barbarella en mission aux confins de l’univers. A la demande du président de la Terre, elle part à la recherche du savant Duran Duran dont le rayon de la mort constitue une très dangereuse menace. Au cours de son périple intergalactique, notre « astro-héroïne » croise un barbare nordique qui lui redonne goût aux ébats amoureux « à l’ancienne » (Ugo Tognazzi), un ange aveugle aux ailes immenses (John Philip Law), une belle et cruelle reine tyrannique (Anita Pallenberg) et un révolutionnaire maladroit (David Hemmings). Tombant de piège en piège, la belle doit éviter les redoutables hommes de cuir, d’horribles poupées carnivores aux dents acérées dignes de la saga Puppet Master, des perruches particulièrement voraces que n’aurait pas reniées Alfred Hitchcock et même les assauts d’une machine à orgasme qui menace de la faire mourir de plaisir. Jane Fonda semble flotter au-dessus de toute cette exubérance comme en état second. Roger Vadim l’aurait d’ailleurs incitée à jouer en état d’ivresse pour mieux entrer dans la peau du personnage, ceci expliquant cela. Pour mesurer à quel point le champ des possibles est vaste en matière de science-fiction cinématographique, il suffit de se rappeler que Barbarella et 2001 l’odyssée de l’espace sont sortis sur les écrans à quelques mois d’écart.
© Gilles Penso
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