Alain Chabat prend les rênes de la deuxième adaptation « live » de la célèbre BD belge et réalise un petit miracle
ASTÉRIX ET OBÉLIX : MISSION CLÉOPÂTRE
2002 – FRANCE / ALLEMAGNE
Réalisé par Alain Chabat
Avec Christian Clavier, Gérard Depardieu, Monica Bellucci, Jamel Debbouze, Alain Chabat, Gérard Darmon, Edouard Baer
THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA ASTÉRIX ET OBÉLIX
La première transposition « live » des célèbres aventures du Gaulois créé par Uderzo et Goscinny n’ayant pas convaincu grand-monde, malgré son casting attrayant et son important déploiement de moyens, la mise en chantier d’une séquelle n’avait rien pour enthousiasmer les foules. Mais un regain d’intérêt se manifesta à l’annonce du nom du réalisateur. Car après Claude Zidi, chef de file d’une comédie « à l’ancienne » très populaire dans les années 80 mais forcément passée de mode à l’aube du 21ème siècle, c’est Alain Chabat qui prend le relais, véhiculant un humour référentiel plus moderne. « Claude Zidi et Alain Chabat ont deux univers très marqués », nous confirme le superviseur des effets spéciaux Thomas Duval. « Le premier se réclame de la comédie réaliste, tandis que le second est très influencé par le cartoon. » (1) Force nous est de préférer cette dernière approche. Restait à décider quel album adapter. Après moult tergiversations, le choix se porte sur « Astérix et Cléopâtre », le producteur Claude Berri lui trouvant un formidable potentiel cinématographique, d’autant que la BD, datée de 1963, aurait été inspirée à Uderzo et Goscinny par la sortie du Cléopâtre de Joseph Manciewicz. Mais un tel récit nécessite un nombre incalculable de costumes, de décors et d’effets spéciaux, ce qui fait grimper le budget à 50 millions d’euros.
Avec une telle somme à sa disposition, l’ancien Nul se voit confier une responsabilité colossale, d’autant qu’il n’a alors à son actif qu’un seul long-métrage en tant que réalisateur. Mais Chabat est confiant, se laissant guider par son admiration sans borne pour le matériau original. « Réaliser ce film, c’était rendre hommage à mes amours d’enfance », dit-il. « C’était une manière de remercier Goscinny et Uderzo de tout le plaisir qu’ils m’ont donné. Ça me permettait de proposer une vision personnelle de ce que j’avais lu lorsque j’étais petit. » (2) Le film reprend fidèlement la trame que tout le monde connaît. Astérix et Obélix viennent donc en aide à l’architecte Numérobis, chargé par Cléopâtre de construire un gigantesque palais en plein désert en l’espace de trois mois. Partant de ce postulat, Chabat se lance dans un périlleux exercice d’équilibriste consistant à respecter le plus possible l’esprit de la BD tout en injectant dans le film son humour, ses références et sa personnalité. Le cocktail aurait pu être indigeste. Il s’avère au contraire étonnamment harmonieux. Le miracle opère, réunissant tous les publics : celui des lecteurs de la première heure, celui du cinéma comique des années 80/90 (véhiculé par la présence en tête d’affiche de Christian Clavier et Gérard Depardieu) et celui qui fut biberonné aux blagues télévisées des Nuls. D’où un casting multigénérationnel particulièrement judicieux. Monica Bellucci irradie l’écran en Cléopâtre, Jamel Debbouze excelle en Numérobis, Gérard Darmon est un délicieux vilain, Claude Rich porte la barbe blanche de Panoramix et Chabat lui-même reprend le rôle de César.
Humour et fantastique
Le caractère fantastique de la bande dessinée originale, induit par la présence de la potion magique et des super-pouvoirs qu’elle confère à ceux qui l’absorbent, est pleinement assumée par Chabat, trop heureux de concilier ses deux genres favoris. D’où un certain nombre de séquences spectaculaires qui semblent parfois issues d’un cartoon de Tex Avery. Chabat ne se prive d’ailleurs pas de multiplier les clins d’œil filmiques et musicaux, de L’Empire contre-attaque à Cyrano de Bergerac en passant par L’Homme qui valait trois milliards, sans oublier les citations de James Brown et de Claude François. On pourra s’étonner en revanche de ne pas retrouver dans le film les chansons du dessin animé culte Astérix et Cléopâtre réalisé par Uderzo et Goscinny en 1968. « En fait, j’avais vu ce dessin animé une ou deux fois seulement, et il y a très longtemps », explique Chabat. « Donc je me suis surtout attaché à la bande dessinée. Mon chef opérateur Laurent Dayan m’avait demandé à l’époque pourquoi je n’avais pas repris la chanson d’Obélix “Quand l’appétit va tout va“, mais je ne la connaissais pas bien. J’ai revu le dessin animé quatre ou cinq ans après le tournage du film, et je me suis dit que c’était dommage. J’aurais dû faire un clin d’œil aux chansons du film. Mais bizarrement, pour moi, ce n’était pas culte. Ce dessin animé n’était pas dans ma culture Astérix. » (3) Finalement, c’est sans doute mieux ainsi, ces deux adaptations de l’album proposant deux visions complémentaires de la même œuvre. Gigantesque succès financier au moment de sa sortie, Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre sera hélas un cas isolé, ses deux séquelles retombant dans la médiocrité du premier opus.
(1) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2002
(2) et (3) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2007
© Gilles Penso
Partagez cet article