Dario Argento clôt tardivement son triptyque des « Trois Mères » sur une note sanglante et mitigée
LA TERZA MADRE
2007 – ITALIE
Réalisé par Dario Argento
Avec Asia Argento, Cristian Solimeno, Adam James, Moran Atias, Valeria Cavalli, Philippe Leroy, Daria Nicolodi, Udo Kier
THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA LES TROIS MÈRES I SAGA DARIO ARGENTO
Dario Argento avait enchaîné si rapidement Suspiria et Inferno qu’on espérait aussitôt le voir s’atteler au troisième chapitre de sa saga consacrée aux maléfiques « Trois Mères ». Maintes fois annoncé, cet ultime volet joua l’Arlésienne pendant trois décennies au cours desquelles Argento alterna le meilleur (Ténèbres) et le pire (Le Fantôme de l’Opéra). En 2007, l’opus final du triptyque arrive bien tard, comme pour racheter aux yeux du public un cinéaste éreinté par l’accueil catastrophique de ses derniers longs-métrages. Fidèle à son actrice fétiche, autrement dit sa propre fille Asia, Dario Argento lui confie le rôle de Sarah Mandy, qui reçoit un jour un mystérieux artefact dans le musée où elle travaille. Sa collègue ayant eu l’imprudence d’ouvrir cette antique boîte de Pandore, une armada de démons se jette soudain sur elle et la massacre sans détour. Désormais, le Mal s’empare de Rome, car la redoutable Mater Lachrymarum, la plus terrifiante des Trois Mères décrites dans les vieux récits de sorcellerie, est désormais libre. Désemparée, Sarah découvre que le propre fils de son petit ami vient d’être kidnappé et s’apprête à subir un bon vieux sacrifice à l’ancienne. Alors que tout espoir semble perdu, la jeune femme apprend que sa mère possédait des pouvoirs paranormaux capables d’enrayer une telle menace. En aurait-elle hérité elle-même ?
Projeté en avant-première au Festival de Cannes, Mother of Tears reçut un accueil glacial. Il faut avouer qu’Argento ne fait pas ici dans la subtilité. Les scènes gore, extrêmes, évacuent toute la poésie surréaliste qui faisaient sa spécificité. Ici, chaque égorgement, énucléation, éviscération ou empalement est saignant, douloureux, ultra-violent et délibérément cru (même si les maquillages spéciaux manquent souvent de réalisme et de finesse). La fameuse Mère des Larmes entr’aperçue dans Inferno (et incarnée par la sublime Ania Pieroni) était quant à elle bien plus envoûtante que cette bimbo hystérique aux seins siliconés qui s’agite au milieu d’une secte d’adorateurs sadomasochistes.
Un final sans éclat
D’une manière générale, les acteurs jouent d’ailleurs comme des savates (contraints de réciter leurs dialogues en anglais alors qu’ils sont tous italiens) et les réactions des personnages n’ont aucune logique. Le plus ridicule est probablement atteint avec les séquences mettant en scène le fantôme protecteur de l’héroïne, incarné par Daria Nicolodi (la propre mère d’Asia Argento). « Je sais que ce film a été mal perçu, qu’on m’a beaucoup critiqué, mais c’est ainsi que je voulais le raconter et le réaliser, et je ne le renie pas », reconnaît Dario Argento. « Je pense que Mother of Tears est un film fort et violent, et le public s’attendait sans doute à quelque chose de différent. Sans doute a-t-il été perturbé par son côté extrême et radical. » (1) Tout n’est évidemment pas à jeter dans ce troisième opus, émaillé de furtifs moments où Dario parvient à créer une atmosphère pesante et trouble, d’une musique entêtante, d’allusions directes aux personnages et à certaines scènes de Suspiria et Inferno, bref de bribes du grand film qu’aurait pu – qu’aurait dû – être Mother of Tears. Mais l’œuvre est hélas très maladroite et s’achève sur un climax parfaitement ridicule appesanti par des effets visuels ratés.
(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 2011
© Gilles Penso