Le deuxième long-métrage de Guillermo del Toro nous plonge dans les égouts de New York infestés d’insectes géants
MIMIC
1997 – USA
Réalisé par Guillermo del Toro
Avec Mira Sorvino, Josh Brolin, Giancarlo Giannini, Jeremy Northam, Charles S. Dutton
THEMA INSECTES ET INVERTÉBRÉS
C’est en 1942 qu’est publiée pour la première fois la nouvelle « Mimic » de Donald A. Wolheim, dans la célèbre revue de science-fiction « Astonishing Stories ». Ce récit troublant, s’appuyant sur l’idée d’insectes ayant naturellement évolué pour imiter la morphologie des humains, tapa dans l’œil des cadres de Dimension Films, le département « films d’horreur » de Miramax, justement à la recherche d’une histoire courte susceptible de s’intégrer dans un film à sketches. Mais le projet change progressivement de tournure pour se transformer en long-métrage à part entière. Remarqué pour son premier long-métrage Cronos et passionné par les insectes, Guillermo del Toro est sollicité pour la mise en scène et la co-écriture du scénario, son partenaire d’écriture étant Matthew Robbins, proche collaborateur de George Lucas et Steven Spielberg dans les années 70 et réalisateur du Dragon du lac de feu. A la demande de la production, l’idée d’une « évolution naturelle » des insectes vers le mimétisme humain est écartée au profit d’une manipulation génétique. Ce parti pris classique n’est qu’une des nombreuses concessions que Del Toro va devoir faire pour satisfaire le studio, s’éloignant progressivement de sa vision initiale pour diriger Mimic vers la routine et les clichés.
Le personnage central de Mimic est le docteur Susan Tyler (Mira Sorvino), professeur d’entomologie à la recherche d’un remède contre une redoutable épidémie qui frappe les enfants new-yorkais. Cette maladie étant véhiculée par les cafards, elle crée un « contre-agent » qu’elle baptise Judas en croisant l’ADN d’une termite et d’une mante. Les résultats sont fulgurants. Renversés par ces nouveaux prédateurs, les cafards cessent de transmettre le mal, aussitôt enrayé. Mais trois ans plus tard, le docteur Tyler découvre que les Judas, pourtant programmés pour s’éteindre au bout de six mois, ont survécu et se reproduisent. Pire : ils ont muté pour atteindre des proportions alarmantes et ont développé un système de camouflage leur permettant d’imiter parfaitement la silhouette humaine. « L’évolution s’arrange toujours pour maintenir les choses en vie », commente alors un collègue scientifique incarné par F. Murray Abraham, une phrase qui nous évoque bien sûr les considérations de Jeff Goldblum dans Jurassic Park. D’ailleurs, le thème développé dans les deux films est identique : l’apprenti-sorcier dont la création finit par échapper à tout contrôle.
Les monstres tapis dans l’ombre
Comme toujours, Del Toro transfigure le moindre des décors de son film en le dotant d’un esthétisme étrange à la lisière du surréalisme. C’est notamment le cas de cet hôpital qui apparaît en début de métrage et où s’aligne une infinité de lits recouverts d’une sorte de suaire blanc (une séquence qui aurait apparemment été dirigée par le coproducteur Orne Bornedal), cette église abandonnée dont les statues sont à moitié camouflées par des bâches transparentes ou ce vieil appartement dont les éclairages aux couleurs saturées semblent presque échappés d’un film de Dario Argento. On sent bien que le cinéaste essaie d’immiscer de la poésie chaque fois qu’il le peut, notamment à travers le vieux cireur de chaussure (un rôle qu’il envisageait au départ pour l’acteur principal de Cronos, Federico Lupi, hélas pas assez anglophone) et son jeune fils qui s’amuse à imiter le bruit des insectes géants. Mais ces éléments s’intègrent mal dans le récit. Car chaque fois que Del Toro et Matthew Robbins tentent d’élaborer des idées originales, étranges ou surprenantes, Harvey et Bob Weinstein les « remettent sur le droit chemin ». Les ressorts de l’épouvante utilisés dans Mimic empruntent donc tous les lieux communs, puisant une grande partie de leur inspiration du côté d’Alien. Il nous est difficile de réprimer un sentiment de déjà-vu face à cette poignée de personnages traqués dans des décors sombres et humides par des créatures tapies dans l’ombre à la morphologie mi-humanoïde mi-insectoïde. Laborieuse, la narration s’encombre de longues explications assénées mécaniquement par des personnages peu attachants. Car au moment de la post-production, les producteurs reprennent le montage en main, coupant de nombreuses séquences dirigées par Del Toro et rajoutant artificiellement un grand nombre d’images tournées par la deuxième équipe. Frustré, Del Toro garde un souvenir amer de Mimic, fruit d’interminables compromis lui ayant tout de même permis de faire ses premiers pas à Hollywood. Le film génèrera d’ailleurs deux séquelles, et le cinéaste aura plus tard l’occasion de concocter un « director’s cut » plus proche de ses intentions initiales.
© Gilles Penso
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