Les talentueux Alexandre Bustillo et Julien Maury se lancent dans une prequel de Massacre à la tronçonneuse, mais c’était une fausse bonne idée…
LEATHERFACE
2017 – USA
Réalisé par Julien Maury et Alexandre Bustillo
Avec Stephen Dorff, Lili Taylor, Sam Strike, Vanessa Grasse, James Bloor, Jessica Madsen, Sam Coleman, Christophe Adamson
THEMA CANNIBALES I TUEURS I SAGA MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE I BUSTILLO & MAURY
Depuis le coup d’éclat d’À l’intérieur, Julien Maury et Alexandre Bustillo n’ont cessé d’être approchés par les studios américains pour apposer leur patte sur plusieurs franchises du cinéma d’horreur (Halloween, Hellraiser, etc…). De rendez-vous manqué en rendez-vous manqué, ils ont donc enchaîné plusieurs films français aux sujets plus personnels (Livide, Aux yeux des vivants) avant de céder aux sirènes hollywoodiennes et de se retrouver à la tête d’un nouvel opus de la saga multiforme initiée en 1974 avec Massacre à la tronçonneuse. Donner une prequel au chef d’œuvre de Tobe Hooper était en soi une idée curieuse, dans la mesure où plusieurs films de la série s’y sont déjà essayé – sans beaucoup de succès d’ailleurs. Le duo Maury/Bustillo tente pourtant d’apporter sa pierre à l’édifice bâti par Tobe Hooper, et malgré toute l’affection que nous portons à ces duettistes talentueux, force est de constater qu’ils se sont ici cassés les dents en beauté.
Personnages caricaturaux sans une once de réalisme, acteurs visiblement peu convaincus par leurs rôles (Stephen Dorff a rarement été si peu investi dans un personnage), rebondissements invraisemblables s’enchaînant au dépit de toute logique, scènes de mise à mort préférant l’effet choc à la surprise et n’évitant pas du coup l’effet de déjà vu (avec le détournement bizarre d’une scène mémorable d’American History X), rien ne fonctionne vraiment dans le film, même si on s’efforce d’oublier avec bienveillance le classique dont il s’inspire. La quête de la provocation, du mauvais goût et du crasseux pousse les cinéastes à concevoir des scènes absurdes au mépris de la logique la plus élémentaire, comme cette scène de sexe dans une caravane où git un cadavre gluant (on croirait se retrouver dans Nekromantik) ou ces trois fugitifs qui se cachent de la police à l’intérieur d’une immonde carcasse de vache en décomposition grouillante de vers – pour finalement partir quêter le secours des policiers locaux deux minutes plus tard !
Un exercice un peu vain
La mise en scène reste efficace, la photographie soignée, les effets gore (œuvre de l’atelier 69 dirigé par Olivier Afonso) de très haute tenue, mais cela suffit-il pour justifier l’existence même du film ? Pas vraiment. À vrai dire, les dés sont jetés dès l’entame. La famille Sawyer accumule les tares sans crédibilité, et cette mère attentionnée qui offre à son jeune fils une tronçonneuse pour qu’il prouve sa virilité en découpant un intrus accusé de vol a un comportement grotesque. Le film vire ensuite au huis-clos confiné dans un institut psychiatrique (qui ne sait pas éviter les lieux communs), puis à la cavale sauvage en pleine Amérique profonde (sous l’influence manifeste du Rob Zombie de The Devil’s Rejects). Aucun personnage ne sert hélas de point d’identification aux spectateurs. Les évadés de l’asile sont instables ou psychopathes, les policiers sont corrompus, et la gentille infirmière embarquée malgré elle dans cette malheureuse aventure réagit bizarrement tout au long du métrage. À cause de son absence de parti pris thématique, de ses tendances à emprunter son inspiration un peu partout, de son manque manifeste de point de vue (relayé par une bande originale anonyme qui confond musique et bruit), Leatherface rate du coup le coche et s’oublie bien vite.
© Gilles Penso
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