Un revendeur de livres anciens part en quête d’un manuel de démonologie qui semble pouvoir permettre d’invoquer le Diable
THE NINTH GATE
1999 – USA / FRANCE / ESPAGNE
Réalisé par Roman Polanski
Avec Johnny Depp, Emmanuelle Seigner, Frank Langella, Lena Olin, Barbara Jefford, Jack Taylor, Jose Lopez Rodero
THEMA DIABLE ET DÉMONS
Le roman « Le Club Dumas » d’Arturo Perez-Reverte était envoûtant, passionnant, labyrinthique et particulièrement difficile à adapter en film. Roman Polanski s’y est donc cassé les dents, malgré toutes les meilleures intentions du monde. L’entrée en matière est pourtant très accrocheuse. Après une séquence de suicide surprenante et un générique magnifique au cours duquel la caméra traverse neuf portes colossales, l’action prend place à New York. Là, Corso (Johnny Depp), revendeur de livres anciens, est convoqué par un nommé Balkan, possesseur d’une impressionnante collection de livres consacrés au Diable. Cet homme inquiétant, incarné par Frank Langella, possède l’un des trois seuls exemplaires au monde des « Neuf Portes du Royaume des Ombres », un vénérable ouvrage occulte du 17ème siècle qui est censé avoir été écrit par Lucifer en personne ! « Une espèce de manuel pratique pour invoquer le diable », résume ainsi Pérez-Reverte, donnant au livre maudit le nom de Delomelanicon, ce qu’on pourrait traduire en grec par « invoquer les ténèbres ». Le Necronomicon imaginé par H.P. Lovecraft n’est pas loin… Balkan désire acquérir les deux autres exemplaires de l’ouvrage à n’importe quel prix. Corso part donc en Europe, et sa quête va vite se semer d’embûches étranges, d’accidents inexpliqués et de cadavres.
Les prémisses de La Neuvième porte sont donc des plus prometteurs, d’autant que Johnny Depp en mercenaire bibliophile et Frank Langella en collectionneur sataniste nous offrent chacun une prestation extraordinaire. La chasse aux livres maudits prend une tournure palpitante, les gravures macabres qui les illustrent variant légèrement d’un exemplaire à l’autre, comme dans un gigantesque et énigmatique jeu des sept erreurs. Mais peu à peu, l’intérêt finit par s’émousser, un peu comme la sensibilité du personnage de Corso en qui le spectateur se serait volontiers identifié s’il s’était montré plus concerné et plus touché par les événements inquiétants qui ponctuent son enquête. D’autre part, l’ange gardien interprété par Emmanuelle Seigner ne possède pas une once de vraisemblance, chacune de ses interventions laissant relativement incrédule (notamment lorsqu’elle glisse d’une manière toute surnaturelle sur la rampe d’un escalier).
Cérémonie satanique
Comme en outre la vision de l’Europe que nous offre Polanski est plus caricaturale encore que celle que propose habituellement le cinéma hollywoodien (le Portugal se résume à une ruelle et un château, et Paris à un quai de Seine et un appartement haussmanien), le film perd progressivement tout son crédit. La cérémonie sataniste finale, grandguignolesque à souhait, abonde dans le sens de l’absence de demi-mesure, comme si le metteur en scène avait oublié tout l’art de la terreur induite et suggérée qu’il avait maniée avec tant de maestria dans Rosemary’s Baby et Le Locataire. Sans parler de ce final grotesque et hystérique, laissant la part belle à des effets numériques peu discrets. Dommage, car un véritable chef d’œuvre couvait sous les cendres de cette sulfureuse Neuvième Porte.
© Gilles Penso
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