Dans cet épisode décisif qui marque l’entrée en scène d’un redoutable dragon tricéphale, Godzilla passe du côté des « monstres gentils »
GHIDORAH SANDAï KAIJU CHIKYU SANDAÏ NO KESSAN
1964 – JAPON
Réalisé par Inoshiro Honda
Avec Yosuke Natsuki, Yuriko Hoshi, Hiroshi Koizumi, Niroshi Shimura, Emi Ito, Yumi Ito, Eiko Wakabashi
THEMA DINOSAURES I EXTRA-TERRESTRES I INSECTES ET INVERTÉBRÉS I DRAGONS I SAGA GODZILLA
Ghidrah : le Monstre à Trois Têtes est un épisode décisif de la série Godzilla, dans la mesure où il fut le premier à mettre en scène simultanément les quatre monstres les plus célèbres de la saga (on pourrait d’ailleurs traduire son titre original par « La plus grande bataille des monstres »), tout en marquant un revirement de situation quasi-historique : dès lors, Godzilla n’est plus une créature destructrice mais un défenseur de l’humanité. Alors qu’une incompréhensible vague de chaleur frappe le monde en plein hiver, la princesse Salno est victime d’un attentat qui pulvérise son avion, puis réapparaît peu après sur Terre sous forme d’une prédicatrice martienne annonçant la fin du monde. Entre-temps, une météorite s’abat sur Terre et l’émission télévisée « Incroyable mais Vrai » montre les deux fées jumelles Alilenas chanter une ode à la chenille géante Mothra. Tous ces événements disparates étant en place, les monstres peuvent faire leur apparition.
Le ptérodactyle Rodan ouvre le bal. Réveillé par des gaz volcaniques au sommet d’une montagne après des mois d’hibernation, ce monstrueux reptile volant (« héros » d’un film à son nom en 1956) fait fuir les touristes et saccage tout ce qu’il survole à cause des rafales provoquées par ses ailes supersoniques. En Antarctique, la fonte des glaces déclenche la réapparition de Godzilla, qui surgit de l’océan et attaque un navire avant de s’en prendre instinctivement à Rodan. Surprenant, l’affrontement nous offre l’étrange spectacle de deux monstres aux traits un peu cartoonesques qui s’agitent de mouvements frénétiques et ne nous épargnent aucun effet « comique », notamment ce rocher qu’ils se renvoient à la manière d’un ballon, sous les yeux déconfits de Mothra. Surgissant d’une météorite incandescente via une belle animation de flammes en dessin animé façon Planète interdite, le quatrième monstre du film n’est autre que King Ghidorah, faisant là ses premiers pas à l’écran en semant une belle panique.
Le dragon de l’apocalypse
Redoutable dragon tricéphale à la puissance quasi-illimitée, il s’agit là d’une création très inspirée du designer Akira Watanabe, mixant le comédien costumé traditionnel et la marionnette mécanique actionnée par une quinzaine de manipulateurs. On sent, à travers sa morphologie composite, l’influence de l’imagerie traditionnelle des dragons orientaux – ce qui était déjà le cas avec le design de Godzilla lui-même. Après avoir détruit toute forme de vie sur sa planète natale Mars cinq mille ans plus tôt, Ghidrah s’en prend maintenant à notre Terre, et le seul moyen d’éradiquer la menace qu’il représente est d’unir les forces de Godzilla, Rodan et Mothra. D’où une séquence surréaliste de négociations houleuses entre les monstres, refusant dans un premier temps de se faire des excuses et s’accusant des pires griefs ! Certes, les grosses bêtes ne parlent pas, et leurs grognements sont traduits par les minuscules Alilenas, mais la série franchit là un pas inévitable vers l’infantilisation d’un mythe qui démarra pourtant sous un angle très sérieux. Ghidrah restera surtout dans les mémoires pour la réorientation de la franchise Godzilla vers le public en culottes courtes, malgré le monstre magnifique qui donne son nom au titre, et qui sera finalement vaincu au sommet du mont Fuji, s’envolant dans les airs en attendant sa revanche.
© Gilles Penso
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