ALADDIN (2019)

Disney confie à Guy Ritchie l’adaptation en chair, en os et en images de synthèse du classique animé de 1992

ALADDIN

 

2019 – USA

 

Réalisé par Guy Ritchie

 

Avec Mena Massoud, Will Smith, Naomi Scott, Marwan Kenzari, Nasim Pedrad, Billy Magnussen, Numan Acar, Jordan Nash, Taliyah Blair, Amir Boutrous

 

THEMA MILLE ET UNE NUITS

Le studio Disney ayant entamé une vaste opération de transformation de ses classiques de l’animation en longs-métrages « live », rien ne semblait pouvoir freiner cet élan dicté par des motivations bien plus financières qu’artistiques. Ainsi, après Le Livre de la jungle de Jon Favreau, La Belle et la Bête de Bill Condon et Dumbo de Tim Burton, c’est une relecture du fameux Aladdin co-réalisé par John Musker et Ron Clements que la major aux grandes oreilles met en chantier, annonçant ce remake dès 2016 en le qualifiant de version « ambitieuse et non traditionnelle ». Et pour doter cet Aladdin cru 2019 de modernité et d’un certain grain de folie, on sollicite le réalisateur Guy Ritchie, qui avait su dépoussiérer avec un certain succès les mythes de Sherlock Holmes et du Roi Arthur. Confiant, le cinéaste britannique, père de cinq enfants, voit là l’occasion de réaliser enfin un film destiné au jeune public. Alors qu’un immense casting se met en place pour trouver le couple vedette, Jim Carrey est assez rapidement envisagé pour tenir le rôle du Génie. Mais la star de The Mask est alors préoccupée par quelques démêlées avec la justice et doit donc passer son tour. Son successeur sera Will Smith, à la fois intimidé par le rôle et heureux d’insuffler un peu d’esprit hip-hop dans l’univers Disney.

Autant être honnête : la présence de l’impertinent réalisateur de Snatch derrière la caméra n’amenuise nullement la terrible vacuité de cette adaptation désespérément lisse, loin de « l’ambition » et du « non-conformisme » que nous promettait le studio. Les morceaux chantés surgissent au milieu de l’action avec une embarrassante artificialité, obéissant à un cahier des charges imposé de toute évidence par la production. La réorchestration des chansons originales façon comédie musicale de Broadway renforce ce sentiment de produit formaté que l’on a consciencieusement débarrassé de la moindre aspérité, tout comme l’ajout d’un nouveau « tube » (« Speechless ») qui semble taillée sur mesure pour les candidats d’un show télévisé destiné aux apprentis chanteurs. Tous les écarts, toutes les folies, tous les excès auto-parodiques du film d’animation de John Musker et Ron Clements cèdent ici le pas à une navrante uniformisation. L’ex-Prince de Bel Air lui-même, maquillé comme s’il donnait un spectacle de transformisme à Las Vegas, fait bien pâle figure face au désopilant génie dessiné qui le précéda et auquel Robin Williams prêta son inestimable talent vocal. Le reste du casting est d’une terrible insipidité, malgré la fraîcheur de Mena Massoud (la série Jack Ryan) et Naomi Scott (la version 2017 de Power Rangers) dans les rôles respectifs d’Aladdin et Jasmine. Quant à Marwan Kenzari (vu dans La Momie d’Alex Kurtzman), affublé d’une voix de fausset et de petits airs faussement colériques, il n’a pas le moindre charisme sous la défroque du vil Jafar. Nous sommes bien loin de l’impressionnant vizir calqué jadis sur le Conrad Veidt du Voleur de Bagdad. Et dire que Patrick Stewart avait postulé pour le rôle…

L’indigestion numérique

Il faut bien reconnaître qu’une poignée de petites saynètes de comédie s’appuyant sur les mécanismes du quiproquo font leur petit effet, comme lorsque la servante de Jasmine se fait passer pour la princesse, ou lorsqu’Aladdin se présente maladroitement à la cour sous l’identité du prince Ali. Mais c’est un peu court. De leur côté, les images de synthèse permettent de doter le tapis volant, le singe Abu ou le perroquet Iago d’une belle personnalité. Mais dès qu’il s’agit de visualiser le cataclysme de la caverne ou le génie lui-même, l’indigestion numérique prend le pas. Car une grande partie de l’intérêt du film de Musker et Clements résidait justement dans sa nature de long-métrage d’animation, soustrait aux lois du réalisme et du palpable pour muer certains de ses passages les plus exubérants – les chansons, les interventions du génie – en quasi-abstractions. Ramener ces moments magiques en triviales relectures mixant prises de vues réelles et images de synthèse démontre une totale incompréhension du matériau original. A de rares exceptions près – Maléfique, Dumbo – portées par la vision originale de cinéastes à la forte personnalité, une telle démarche s’apparente finalement à la fabrication à gros budget d’un produit dérivé facultatif. En ce domaine, Aladdin ne fait hélas pas partie de ces exceptions. Le succès du film fut pourtant colossal, générant l’envie immédiate d’en produire une séquelle dans les plus brefs délais.

 

© Gilles Penso



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