Tom Six cherche à tout prix le scandale en concevant une séquelle malsaine qui brave tous les interdits
THE HUMAN CENTIPEDE 2 (FULL SEQUENCE)
2011 – HOLLANDE / GB
Réalisé par Tom Six
Avec Lawrence R. Harvey, Ashlynn Yennie, Maddi Black, Dominic Borrelli, Dan Burman, Kandace Caine, Daniel Jude Gennis, Georgia Goodrick
THEMA MÉDECINE EN FOLIE I SAGA THE HUMAN CENTIPEDE
Pendant la promotion de son sulfureux The Human Centipede, Tom Six s’entendit poser une question étrange : « avez-vous pensé à ce qui se passerait si quelqu’un s’inspirait de ce que vous montrez dans votre film ? » L’idée fit son chemin et poussa le réalisateur à envisager une séquelle sous l’angle de la mise en abyme. Ainsi, si The Human Centipede 2 commence par les derniers plans du film précédent, nous laissant croire pendant quelques secondes que nous avons affaire à une suite « classique », ce n’est qu’un leurre. Car les images du film sont diffusées sur l’écran d’un ordinateur, et tandis que défile le générique de fin, un regard vitreux semble incapable de se détacher du texte qui défile. Ces yeux blêmes appartiennent à Martin (Lawrence R. Harvey), un quadragénaire simple d’esprit, court sur pattes, en surpoids, qui vit seul avec sa mère et dont le père est en prison pour avoir abusé de lui pendant son enfance… Voilà qui fait beaucoup pour un seul homme, nous en conviendrons ! Complexé et brimé, Martin travaille comme gardien de nuit dans un parking et voue une obsession maladive au film The Human Centipede qu’il regarde en boucle. Son rêve secret est de reproduire l’expérience médicale du fictif docteur Josef Heiter en allant beaucoup plus loin. Il souhaite ainsi concevoir un mille-pattes humain constitué de douze cobayes.
Le problème majeur de The Human Centipede 2 est probablement sa trop forte conscience du phénomène culturel dans lequel il s’inscrit. Si le premier film était une expérience dont Tom Six ne mesurait pas encore la portée, la donne a changé depuis. Le principe même de l’autocitation (les extraits de The Human Centipede, son poster, ses photos, la présence de l’actrice Ashlynn Yennie dans son propre rôle) frôle la fanfaronnade. Cette lecture au second degré émaillée d’humour référentiel (Martin fait croire aux acteurs du premier film qu’ils vont jouer dans le prochain Tarantino pour pouvoir les kidnapper) entre bizarrement en conflit avec l’approche clinique, glauque et austère pour laquelle opte le réalisateur, laquelle semble aussi procéder d’un savant calcul, loin de la spontanéité un peu inconsciente du film précédent. Six choisit donc une photographie noir et blanc quasi documentaire qui évoque les premiers films de David Lynch, une bande son oppressante saturée de gémissements et un acteur principal aux allures de freak qu’il nous détaille dans toute son étrange anatomie. Mais surtout, il décide de ne plus rien suggérer et de tout montrer, même l’immontrable…
Un film qui va trop loin ?
Alors qu’il avait choisi dans The Human Centipede d’évoquer les pires horreurs en laissant l’imagination du spectateur faire tout le travail, Six cède ici aux facilités du « torture porn » en accumulant ad nauseam le gore médical, la nudité, la scatophilie et les pratiques sexuelles les plus déviantes. Débarrassé de tous les garde-fous, il se livre ainsi à une escalade dans l’atroce que ne tempère aucun second niveau de lecture. Même les excès de Pasolini dans Salo ou les 120 jours de Sodome camouflaient derrière leurs abjections à répétition un discours assumé contre le fascisme et l’objectivication des opprimés, discours dont les plus motivés pouvaient encore trouver quelques échos dans le premier Human Centipede. Mais ici, Tom Six a visiblement pour seule ambition une orgie de mauvais goût qui cherche sans cesse à se surpasser elle-même, bravant les interdits comme un garnement désobéirait effrontément à l’autorité (quitte à montrer le gros plan d’une masturbation au papier de verre ou un sexe masculin qu’on enroule dans du fil barbelé !). Autant de complaisance ne pouvait laisser Dame Censure indifférente. The Human Centipede 2 fut donc banni en Angleterre, censuré dans certains pays, remonté dans d’autres, ce qui ne fit bien sûr qu’accroître sa réputation de film malsain et dangereux, à la grande joie de Tom Six déjà à l’œuvre sur un troisième épisode.
© Gilles Penso
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