Un chanteur à succès des années 80 meurt mais son esprit survit et vient se loger dans la tête d’un modeste comptable…
LA PERSONNE AUX DEUX PERSONNES
2008 – FRANCE
Réalisé par Nicolas Charlet et Bruno Lavaine
Avec Daniel Auteuil, Alain Chabat, Marina Foïs, Aurélie Matéo, François Damiens, Denis Maréchal, Fred Tousch
THEMA DOUBLES
« Pour moi, écrire un scénario de long-métrage est une expérience très agréable mais aussi quelque chose d’extrêmement fastidieux. C’est long, c’est scolaire, c’est compliqué. Il faut parvenir à créer de toutes pièces un monde, des personnages, trois actes dynamiques qui doivent captiver le lecteur, puis le spectateur. Et comme il faut bien deux ans entre les premières étapes d’écriture et la finalisation du film, il faut soi-même être suffisamment captivé par l’histoire que l’on écrit pour la porter à bout de bras jusqu’au bout. » (1) Ces mots sont d’Alain Chabat, et on aurait aimé qu’ils trouvent leur résonance dans le scénario de La Personne aux deux personnes. Hélas, l’ancien chef de troupe des Nuls, si regardant sur l’écriture de sa production précédente, Prête-moi ta main (sur lequel six auteurs consécutifs se passèrent le relais), semble avoir ici lâché l’affaire, confiant les rênes du film aux duettistes Nicolas et Bruno qui ont toutes les difficultés à passer du petit écran (où ils sévissaient jusqu’alors) au grand.
Le postulat absurde du film, qui semble subir partiellement l’influence de L’Aventure intérieure, est pourtant loin d’être inintéressant. Gilles Gabriel est un chanteur qui a connu son heure de gloire dans les années 80. Lorsqu’un accident automobile le fait entrer en collision avec Jean-Christian Ranu (Daniel Auteuil), un modeste comptable qui passait par là, l’impensable survient : Gilles Gabriel meurt physiquement mais son esprit pénètre dans le corps de Jean-Christian. La cohabitation entre ces deux personnalités que tout oppose ne va pas s’avérer simple. Certes, les acteurs font de leur mieux pour soutenir ce scénario farfelu. La voix off de Chabat dote la moindre péripétie d’un second degré savoureux, Marina Foïs excelle en petit chef glacial et Auteuil s’avère hallucinant dans un rôle grotesque et régressif qu’il empoigne à bras le corps et sans le moindre complexe. Mais le film ne peut tenir sur les seules épaules de ses comédiens sans un développement digne de ce nom.
Trop décalé ou pas assez ?
Le concept étant sous-exploité, les enjeux mous et les objectifs des personnages abandonnés en cours de route, La Personne aux deux personnes perd rapidement la majorité de ses attraits. D’autant que l’un des ressorts comiques principaux du film, le décalage entre un ex-chanteur des années 80 et un comptable des années 2000, se relâche totalement à cause de choix artistiques étranges. En effet, Jean-Christian vit comme s’il était lui aussi coincé dans les années 80, avec un minitel dans son appartement et des vignettes autocollantes sur son pare-brise. Le ton même du film hésite entre plusieurs voies à emprunter, lorgnant parfois du côté du gag télévisuel pur (les encarts aux allures de vieux films d’éducation sexuelle ou de publicités de cinéma pour des magasins de quartier). La bride sur le cou, les deux auteurs/réalisateurs pèchent donc par manque de rigueur, résolvant certains problèmes (ceux du personnage campé par Auteuil), en oubliant d’autres (le fameux nouveau disque que Gilles Gabriel est censé enregistrer), et s’achevant sur une révélation de dernière minute qui bouleverse le concept de base sans proposer la moindre résolution. Bref, l’essai est loin d’être concluant, ce qui explique la désertion des salles lors de la sortie du film.
(1) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2007
© Gilles Penso
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