DOCTOR SLEEP (2019)

Après l’adaptation réussie de Jessie, Mike Flanagan s’attaque à un autre défi de taille : réaliser une séquelle du Shining de Stanley Kubrick

DOCTOR SLEEP

 

2019 – USA

 

Réalisé par Mike Flanagan

 

Avec Ewan McGregor, Rebecca Ferguson, Kyliegh Curran, Cliff Curtis, Bruce Greenwood, Deadra Moore, Zahn McClarnon, Emily Alyn Lind

 

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX I FANTÔMES I SAGA STEPHEN KING

En 2013, Stephen King donne une suite tardive à son roman culte « Shining » avec « Docteur Sleep », qui s’intéresse au petit Danny Torrance devenu adulte et à sa lutte contre des démons à la fois extérieurs et intérieurs. En toute logique, Hollywood se met en branle pour préparer une adaptation sur grand écran, mais au bout de trois ans de développement, le projet ne semble pas vouloir aboutir… Jusqu’à ce que Ça d’Andres Muschietti ne sorte sur les écrans en explosant tous les chiffres du box-office. Dès lors, Stephen King revient à la mode et Doctor Sleep se concrétise. La réalisation est confiée à Mike Flanagan, qui avait déjà adapté avec un succès un roman complexe de l’écrivain (« Jessie ») et le rôle principal échoit à Ewan McGregor. Un petit problème reste à résoudre. Comme chacun sait, King n’aime pas le Shining de Stanley Kubrick, qu’il considère comme une trahison, et préfère la mini-série de Mick Garris (Shining : les couloirs de la peur) dont il signa lui-même le scénario. Or pour Mike Flanagan, le Shining de 1980 est un chef d’œuvre, un classique que tout le monde ou presque adule, et c’est dans la foulée de ce film qu’il veut inscrire son Doctor Sleep. Le plus gros challenge de cette adaptation aura donc été de se positionner à la fois comme une séquelle du film de Kubrick et comme une transposition fidèle du roman de King, le but étant à terme de rassembler deux « clans » (les « kingiens » et les « kubrickiens ») qui ont généralement tendance à s’opposer.

Ewan Mc Gregor incarne ainsi un Danny Torrance adulte. Les événements survenus dans Shining ne l’ont pas laissé indemne. Osons le mot : c’est une épave, un traine-savate imbibé d’alcool qui aura fini par hériter du penchant pour la boisson de son père. Il boit donc plus que de raison, vole dans le sac à main de ses compagnes d’un soir et finit par s’enfuir lorsque le spectacle sinistre de ses derniers forfaits l’emplit de honte. C’est presque par hasard qu’il se retrouve dans une petite ville du New Hampshire où il décide de se reprendre en main en acceptant un travail d’aide-soignant auprès des patients en fin de vie. Là, il se retrouve affublé du surnom de « Doctor Sleep », autrement dit « docteur sommeil ». L’alcool n’influant plus sur son organisme, il retrouve le « shining », ce pouvoir paranormal qui le rend différent du commun des mortels. Et c’est ainsi qu’il entre en communication télépathique avec Abra Stone (Kyliegh Curran), une fille de 13 ans douée des mêmes capacités psychiques que lui. Or Abra découvre les méfaits d’une bande de criminels hors du commun. Vieux depuis des siècles, ces charognards nomades sont menés par la redoutable Rose O’Hara (Rebecca Fergusson). Ils survivent en traquant ceux qui possèdent le « shining », en les massacrant et en absorbant leur peur et leur douleur. Bientôt, Danny et Abra entrent dans leur ligne de mire…

Les fantômes du passé

Doctor Sleep est un film hybride. Si la partie centrale de l’intrigue s’éloigne volontairement de Shining pour construire de nouvelles péripéties, convoquer des démons inconnus et développer d’autres enjeux, l’ombre gigantesque de Stanley Kubrick revient hanter le dernier tiers du film avec une telle force que Mike Flanagan peut enfin rendre l’hommage dont il rêvait à son maître… jusqu’à reproduire à l’identique les décors de l’hôtel Overlook, imiter les mouvements de steadicam du cameraman Gareth Brown et demander à Henry Thomas de se faire la tête de Jack Nicholson et de mimer son langage corporel. Ironiquement, l’ancien Eliott de E.T. s’était livré à un exercice assez proche en incarnant une version jeune d’Anthony Perkins dans Psychose IV, sous la direction de Mick Garris (décidément, tout se recoupe !). Du coup, la démarche de Doctor Sleep s’éloigne par exemple de celle du 2010 de Peter Hyams, qui succédait à 2001 l’odyssée de l’espace sans jamais chercher à emboiter stylistiquement le pas de Kubrick. Et de fait, malgré ses nombreuses audaces et ses rebondissements efficaces, l’ultime chapitre de Doctor Sleep est probablement la partie la moins intéressante du film, justement parce qu’elle souffre de la comparaison avec son immense modèle. Nous aurions tendance à largement préférer ces séquences tour à tour émouvantes et terrifiantes où Danny, Abra et Rose entrent en connexion, ou ces passage spectaculaires et vertigineux où Mike Flanagan nous montre pour la première fois ce que ressentent physiquement les possesseurs du « shining » lorsqu’ils utilisent leur pouvoir.

 

© Gilles Penso

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