Sylvester Stallone et Wesley Snipes s’affrontent dans un monde futuriste aseptisé qui a banni toute forme de violence
DEMOLITION MAN
1993 – USA
Réalisé par Marco Brambilla
Avec Sylvester Stallone, Wesley Snipes, Sandra Bullock, Nigel Hawthorne, Benjamin Bratt, Bob Gunton, Bill Cobbs, André Gregory
THEMA FUTUR
En ce temps-là, le producteur Joel Silver était le roi incontesté du cinéma d’action. 48 heures, Commando, Predator, les franchises Die Hard et L’Arme Fatale lui permirent de conserver longtemps ce titre tant convoité. Il lui fallut se renouveler pour ne pas flancher, et jouer souvent la carte de la surenchère, quitte à se défier lui-même. Un immeuble entier explosait au début de L’Arme Fatale 3 ? Qu’à cela ne tienne : détruisons un bâtiment trois fois plus grand pendant le pré-générique de Demoliton Man ! A bien y réfléchir, le surnom de « démolisseur » va d’ailleurs comme un gant à Silver. Au départ, le scénario de ce film d’action futuriste était écrit pour Steven Seagal et Jean-Claude Van Damme, mais les deux stars refusèrent. Sylvester Stallone hérita finalement du rôle du héros et proposa à Jackie Chan d’endosser celui de son adversaire. Flatté, ce dernier déclina cependant la proposition, arguant que son statut l’empêchait de jouer les méchants. C’est donc Wesley Snipes, cinquième dan de karaté et future star de Blade, qui lui succéda. Ce jeu des chaises musicales s’étendit jusqu’au rôle féminin principal, confié dans un premier temps à Lori Petty (héroïne de Point Break et future Tank Girl) qui ne parvint pas à s’entendre avec la production et fut remplacée à la dernière minute par une Sandra Bullock alors inconnue du grand public. Pour diriger tout ce beau monde, Joel Silver se tourna vers un spécialiste des spots de pubs effectuant-là son baptême cinématographique : Marco Brambilla.
Dans le Los Angeles légèrement futuriste de 1996, Stallone incarne John Spartan, un policier aux méthodes musclées qui annonce avec plus de quinze ans d’avance le Barney Ross qu’il jouera dans la série The Expendables. Bien décidé à se débarrasser une bonne fois pour toutes du terroriste psychopathe Simon Phoenix (Wesley Snipes), il tente une intervention expéditive dans la planque de ce dernier, qui provoque une monstrueuse explosion causant la mort de trente otages. Accusés tous deux de ce massacre, Spartan et Phoenix sont condamnés à une longue peine d’hibernation et de rééducation dans le cryo-pénitentier de Californie. Un saut dans le temps nous amène en 2032, dans une société utopique où la violence n’existe plus, où les mots grossiers sont passibles d’amendes et où l’amour se fait virtuellement. « Le meilleur des mondes » d’Aldous Huxley n’est pas loin, la référence étant assumée à travers le nom de la femme-flic incarnée par Sandra Bullock : Lenina Huxley. Or Simon Phoenix parvient à s’évader de sa cryo-prison et recommence à semer la terreur. Mais les autorités de ce futur stoïque où le meurtre n’existe plus ne savent pas comment réagir. Une seule solution semble envisageable : réveiller Spartan de son hibernation et le lancer aux trousses de son ancien ennemi…
Deux brutes dans « le meilleur des mondes »
Comme on pouvait s’y attendre – et comme son titre l’indique assez clairement – Demolition Man est très généreux en séquences de combats et de destructions massives. Entre deux explosions, l’humour se taille une place de choix, non seulement à travers le jeu du décalage (deux ennemis brutaux plongés dans un monde trop lisse pour eux) mais aussi via plusieurs clins d’œil référentiels (l’affiche de L’Arme Fatale 3 qui trône dans le bureau de Lenina, une allusion au mandat présidentiel d’un certain Arnold Schwarzenegger). Mais le problème majeur du film est son manque de finesse et surtout son incapacité à nous faire croire à ses personnages et à leur comportement. Ce futur aseptisé façon L’Âge de cristal ressemble à un showroom factice, les policiers souriants au visage de mannequins en plastique ne sont pas du tout crédibles, pas plus que les rebuts de la société habillés comme dans un sous-Mad Max italien et vivant dans des égouts de studio. Et que dire de la performance de Wesley Snipes, embarrassant dans son rôle de psychopathe hystérique et décoloré dont chaque mouvement de karaté est accompagné d’effets sonores pseudo-hip-hop ? Pourtant, bizarrement, une chape de nostalgie enveloppe ce film depuis longtemps. Il faut reconnaître que le concept est amusant, que Stallone assure et que Sandra Bullock est une vraie révélation. Drôle, séduisante, pétillante, elle sauve beaucoup de séquences de Demolition Man, notamment la fameuse « scène d’amour ». Dès l’année suivante, elle se verra offrir un autre rôle de « femme d’action » dans Speed de Jan de Bont. Marco Brambilla n’aura pas autant de chance. Après un second long-métrage (Excess Bagage) et quelques épisodes pour la série Dinotopia, il sortira des radars hollywoodiens, se consacrant dès lors à des projets artistiques plus personnels.
© Gilles Penso
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