Un deuxième épisode en forme de préquelle qui confronte la poupée maléfique à un petit groupe d’orphelines dans les années 50
ANNABELLE: CREATION
2017 – USA
Réalisé par David F. Sandberg
Avec Stephanie Sigman, Talitha Bateman, Anthony LaPaglia, Miranda Otto, Lulu Wilson, Philippa Coulthard, Grace Fulton, Lou Lou Safran, Samara Lee
THEMA JOUETS I DIABLE ET DEMONS I ENFANTS I SAGA CONJURING
Face à l’accueil enthousiaste que les amateurs de cinéma d’épouvante ont réservé aux deux Conjuring et à Annabelle, les producteurs de New Line Cinema ont senti qu’ils tenaient entre leurs mains une franchise pas comme les autres, susceptible de s’inscrire – toutes proportions gardées bien sûr – dans un cycle de films comparable à celui des productions Marvel. D’épisode en épisode, la mythologie démoniaque née en 2013 se met donc en place et s’enrichit, quitte à parfois jouer la carte du flash-back pour mieux raccorder certaines intrigues entre elles. C’est dans cette logique qu’est conçu Annabelle 2 qui, malgré son titre français, n’est pas une séquelle mais une prequel. Toujours produit par James Wan et écrit par Gary Dauberman, ce second opus est réalisé par David Sandberg, qui s’était fait connaître avec l’excellent court-métrage Lights Out transformé entre-temps en long-métrage sobrement titré Dans le noir. Ce changement de tête entraîne l’arrivée d’un nouveau venu dans la franchise, le compositeur Benjamin Wallfish, remplaçant sans heurt Joseph Bishara avec qui il partage une expertise certaine dans la musique orchestrale atmosphérique susceptible d’intégrer quelques déflagrations sonores pour faire sursauter les spectateurs.
Si Annabelle nous transportait dans les années 60, Annabelle 2 commence en 1946. Les premières images, presque féeriques, montrent un émule de Gepetto au travail sur la finition d’une poupée dans son atelier. Cet homme, Samuel Mullins (Anthony LaPaglia), est l’heureux père avec son épouse Esther (Miranda Otto) d’une fillette de sept ans, « Bee », diminutif de… Annabelle. Mais la pauvre est victime d’un accident de voiture qui endeuille à tout jamais le couple Mullins. Douze ans plus tard, en 1958, les Mullins ouvrent les portes de leur vaste demeure à six orphelines et à leur tutrice, sœur Charlotte (Stephanie Sigman), sans abri depuis la fermeture de leur orphelinat. Malgré les manières rustres de Samuel Mullins et malgré l’absence de son épouse sans cesse alitée, les filles se sentent bien et trouvent leurs marques. Un peu à l’écart, Janice (Talitha Bateman), marche avec difficultés depuis qu’elle a contracté la polio. Pour tromper son ennui, elle fouille l’une des pièces laissées vacantes et trouve enfermée dans un placard la poupée blafarde qui semait déjà la panique dans Annabelle. Dès lors, on s’en doute, d’étranges phénomènes commencent à frapper les lieux et le Malin en personne guette le moment idéal pour sortir ses cornes des ténèbres et posséder une âme en peine susceptible d’accueillir sa diabolique présence…
L’influence des fantômes espagnols
L’atmosphère du film précédent a donc radicalement changé. Au cadre urbain d’un appartement californien des sixties, cet épisode préfère la campagne des années 50, choix qui entraîne une approche stylistique très différente. Avec ses toutes jeunes protagonistes, sa grande maison, sa forêt avoisinante et cette chambre interdite digne de « Barbe-Bleue », Annabelle 2 prend du coup les allures d’un conte de fées sinistre. David Sandberg semble vouloir retrouver l’ambiance d’un certain cinéma fantastique espagnol, quelque part entre L’Échine du Diable et Fragile. Mais si sa mise en scène sait faire preuve de sensibilité, le « supplément d’âme » qui caractérise des cinéastes tels que Guillermo del Toro ou Jaume Balaguero brille ici par son absence. Efficace à défaut d’être émouvant, effrayant sur le court-terme sans parvenir à créer un malaise durable, Annabelle 2 cède aux facilités du « jump scare » et des artifices d’un train-fantôme. Dans ce domaine, Sandberg sait concocter de très belles séquences, comme celle de l’épouvantail dans la grange, mais cette approche de l’horreur reste superficielle. Dommage par exemple que le scénario ne tire pas parti des richesses narratives qu’aurait pu lui apporter son contexte historique, les années 50 ne jouant ici qu’un rôle cosmétique. L’épilogue du film, tiré par les cheveux, ne semble exister que pour se raccorder avec le premier Annabelle, tandis que la courte-séquence post-générique confirme cette volonté manifeste de détourner les codes établis par l’univers étendu du studio Marvel.
© Gilles Penso
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