THE TRUMAN SHOW (1998)

Jim Carrey incarne un homme qui, sans le savoir, est le héros de l'émission de télé-réalité la plus populaire de tous les temps

THE TRUMAN SHOW

 

1998 – USA

 

Réalisé par Peter Weir

 

Avec Jim Carrey, Laura Linney, Noah Emmerich, Natascha McElhone, Ed Harris, Holland Taylor, Brian Delate, Una Damon, Peter Krause, Paul Giamatti

 

THEMA CINÉMA ET TÉLÉVISION

Peter Weir adapte avec The Truman Show un scénario passionnant d’Andrew Niccol, par ailleurs auteur/réalisateur de Bienvenue à Gattaca, Simone et Lord of War. Offrant à Jim Carrey son premier vrai rôle dramatique, The Truman Show présente surtout l’intérêt de prophétiser de manière ludique – mais non moins angoissante – un avenir possible de la télé-réalité, alors en plein essor sur tous les continents. Variante cathodique de la série Le Prisonnier, ce récit paranoïaque nous présente Truman Burbank, un jeune homme qui, sans le savoir, est héros d’un show télévisé réalisé par le mégalomane Christof (Ed Harris). Né et élevé dans une gigantesque ville témoin, ne fréquentant que des comédiens prétendant être ses proches, il ne se doute pas que des téléspectateurs du monde entier épient avidement chacun de ses faits et gestes. Mais un jour, un grain de sable vient enrayer la machine, et Truman commence à se poser quelques questions sur la véracité du monde qui l’entoure.

Si en l’état The Truman Show est une perle rare qui touche à la perfection, la juste tonalité ne fut pas si simple à trouver. Face à la noirceur pessimiste des premières versions du scénario d’Andrew Niccol, le studio Paramount commença à s’inquiéter. Pour un film budgété à 60 millions de dollars, avec Jim Carrey en tête d’affiche, il fallait tout de même trouver un moyen de ne pas trop brusquer le grand public. Peter Weir lui-même souhaitait plus de légèreté dans ce récit, sans pour autant lui ôter sa force et sa substance. La carrière passée du cinéaste avait prouvé sa capacité à adapter aux codes hollywoodiens des thématiques complexes – et à priori anti-commerciales (Witness, L’Année de tous les dangers, Le Cercle des poètes disparus). Pendant que Niccol s’escrima à réécrire le script maintes et maintes fois (il y aura seize versions du scénario), Weir en profita pour écrire l’histoire et le passé de tous ses personnages, sous forme de mémos particulièrement détaillés.

Le dieu télévision

Il fallut certes un temps d’ajustement entre le cinéaste et sa star, mais une fois leur rythme trouvé, les choses allèrent bon train. Peter Weir laissa même parfois la bride sur le cou de Jim Carrey, non pour le pousser à multiplier devant la caméra ses facéties habituelles mais plutôt pour l’inciter à s’exprimer librement dans un cadre donné, comme dans cette séquence empreinte de poésie – et non prévue – dans laquelle Truman se dessine une tenue de cosmonaute avec du savon dans le miroir de la salle de bains. Les dons de pantomime de Carrey, que Weir avait détectés en visionnant Ace Ventura (et qui lui firent penser à Charlie Chaplin), sont donc mis à contribution dans un registre moins exubérant qu’à l’accoutumée. Pour la carrière du comédien, The Truman Show marque un tournant décisif. Formidable pamphlet contre le voyeurisme et pour la préservation de l’intimité (si « true man » signifie en anglais « un homme vrai », ce n’est sans doute pas un hasard), The Truman Show dénonce l’escalade au sensationnalisme des directeurs de chaîne, la vacuité des programmes télévisés et l’élévation de la télécommande au statut de décisionnaire tout puissant – comme le prouve un judicieux clin d’œil final.

 

© Gilles Penso

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