MISS PEREGRINE ET LES ENFANTS PARTICULIERS (2016)

Tim Burton s'intéresse à son thème favori - la marginalité - en y injectant une bonne dose d'autobiographie

MISS PEREGRINE’S HOME OF PECULIAR CHILDREN

2016 – USA

Réalisé par Tim Burton

Avec Asa Butterfield, Eva Green, Terence Stamp, Samuel L. Jackson, Ella Purnell, Cameron King, Lauren McCrostie

THEMA CONTES I VOYAGES DANS LE TEMPS I POUVOIRS PARANORMAUX I SAGA TIM BURTON

Sorti en librairie en été 2011, le roman « Miss Peregrine et les Enfants Particuliers » s’est hissé en tête des ventes, remportant un succès colossal que son auteur Ransom Rigg n’imaginait sans doute pas. Très vite, le studio 20th Century Fox acquiert les droits d’adaptation du livre et propose à Tim Burton d’en signer la réalisation. Le ton du roman est assombri, le prologue empruntant son atmosphère et ses effets au cinéma d’horreur : un passant aux yeux blanc qui surgit soudain d’une nappe de brouillard, un vieil homme dont les yeux ont été arrachés, un gigantesque monstre sans visage qui émerge des bois nocturnes… Cette noirceur s’accommode avec la vision très personnelle que Tim Burton a des contes de fées et de l’imaginaire des enfants. « J’essaie toujours de faire des films personnels, même s’ils sont tirés d’autres œuvres », nous explique le cinéaste. « Finalement, le cinéma est une forme de thérapie qui coûte très cher ! » (1) Le jeune héros du film, Jake (Asa Butterfield), est bercé depuis son enfance par les récits fascinants de son grand-père Abe (Terence Stamp). Abe prétend avoir vécu dans les années 40 sur une île du pays de Galle, Cairnholm, au milieu d’enfants différents des autres, sous la direction d’une gouvernante nommée Miss Peregrine. Sans doute ces enfants étaient-ils cachés pour fuir les nazis qui envahissaient alors la Pologne. Mais Abe affirme que ses camarades avaient tous des pouvoirs surnaturels, qu’ils cherchaient à échapper à des monstres tentaculaires sans yeux et que Miss Peregrine avait le pouvoir de se transformer en faucon. Après la mort de son grand-père, Jake veut aller visiter cette fameuse île, démarche qu’approuve sa psychiatre pour l’aider à séparer la réalité du fantasme. Là, il découvre les ruines du pensionnat, détruit par un bombardement le 3 septembre 1943. Personne n’a survécu au désastre. Pourtant, il existe une boucle temporelle dans laquelle Miss Peregrine et tous les enfants particuliers vivent toujours. Or Jake parvient à entrer dans cette boucle…
miss-peregrine photo

C’est avec subtilité que Miss Peregrine et les Enfants Particuliers fait glisser ses spectateurs de la banalité vers la fantasmagorie, facilitant notre entrée dans ce pensionnat d’un autre âge où Eva Green, dans un rôle bien plus positif que celui de la sorcière de Dark Shadows, veille sur de bien étranges bambins. Emma pèse le poids d’une plume, Millard est un garçon invisible, Olive contrôle le feu, Fiona fait surgir les légumes de la terre, Enoch donne vie aux choses inanimées, Bronwyn a une force herculéenne, Hugh crache des abeilles, Claire a une gueule carnassière derrière la tête, Horace projette l’image de ses rêves… Tous ces enfants et cette école spéciale nous font penser à une version années 40 des X-Men dont Peregrine serait l’équivalent du professeur Xavier. Une scène très étonnante montre la remise à zéro de la boucle temporelle qui protège tout ce beau monde : les bombardiers allemands survolent le pensionnat une nuit d’averse, puis l’action se rembobine et la journée recommence. Cette boucle permet aux protégés de Miss Peregrine d’échapper à la menace des Faucheurs, d’anciens enfants particuliers qui, menés par le maléfique Barron (Samuel L. Jackson), se sont mués en abominables monstres sans yeux en cherchant à atteindre l’immortalité.

Le pensionnat des mutants

Le casting disparate du film est dominé par le charisme du tout jeune Asa Butterfield qui, avec son regard clair, sa tignasse brune et son visage d’adolescent trop sérieux, aurait été un Peter Parker formidable (il fut pressenti pour jouer Spider-Man dans Captain America : Civil War). Avec une mère inexistante et un père maladroit, son personnage se réfugie naturellement auprès de son grand-père. Le parallèle avec Tim Burton (« enfant particulier » par excellence) saute aux yeux, ce dernier ayant préféré vivre avec sa grand-mère dès l’âge de dix ans à cause d’une mésentente avec ses parents. Miss Peregrine et les Enfants Particuliers regorge de belles séquences surréalistes, comme le plongeon dans l’épave du navire, Emma qui flotte au bout d’une ficelle comme un cerf volant ou le surgissement du vieux navire à la surface des flots. Toujours prêt à rendre hommage à Ray Harryhausen, Tim Burton utilise la stop-motion pour animer les combats de pantins monstrueux et hybrides qu’Enoch s’amuse à organiser. Et pour ceux qui n’auraient pas saisi l’allusion, le cinéaste orchestre une bataille délirante au milieu d’une fête foraine entre quatre Faucheurs et une armée de squelettes qui semblent tout droit échappés de Jason et les Argonautes. Car chez Burton, le passé revient toujours hanter le présent.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mars 2012.

 
© Gilles Penso

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