MISSION TO MARS (2000)

Brian de Palma s'éloigne de son terrain de prédilection pour plonger dans la science-fiction… Une mission impossible ?

MISSION TO MARS

2000 – USA

Réalisé par Brian de Palma

Avec Gary Sinise, Don Cheadle, Connie Nielsen, Jerry O’Connell, Tim Robbins, Armin Mueller-Stahl

THEMA SPACE OPERA

En entrant dans les années 2000, Brian de Palma s’attaquait à un genre qui semblait à des années lumières de son univers : le space opéra. Certes, le cinéaste s’était nourri dans sa jeunesse de nombreux romans de science-fiction et caressait même le projet de réaliser un jour un remake de Planète Interdite. Mais son cinéma reste ancré dans une réalité tangible et « terre à terre », se nourrissant d’un réalisme presque toujours contemporain pour mieux le transcender et y injecter une dimension fantastique. Chez De Palma, même l’intrigue policière la plus traditionnelle prend des atours oniriques, traversée par des fulgurances mémorables. Allait-il savoir transposer ses effets de style dans l’espace ? Le réalisateur semble lui-même circonspect, s’obligeant artificiellement à démarrer le film par deux longs plans-séquences de trois minutes chacun, comme s’il tenait à rassurer les spectateurs en apposant dès le générique l’une de ses marques de fabrique stylistiques les plus connues. Mais d’emblée, on sent que quelque chose cloche. Car ces longs plans filmés en continuité n’ont aucun apport narratif et s’enchaînent de manière abrupte (comme si la logistique avait empêché le réalisateur de n’obtenir qu’un seul plan-séquence de six minutes), renforçant la gratuité du procédé. Ce qui semble n’être qu’un détail est en réalité révélateur du problème majeur de Mission to Mars : un film écrit pour un autre réalisateur (en l’occurrence Gore Verbinski) que Brian de Palma cherche à s’approprier sans parvenir à en unifier le style de manière cohérente.
Partagé entre sa volonté de rendre des hommages répétés à 2001 l’Odyssée de l’Espace (les séquences de déambulation des astronautes dans la centrifugeuse, les plans majestueux d’un vaisseau longiligne aux allures de Discovery), d’aborder son univers futuriste sous l’angle le plus réaliste possible (avec l’apport officiel de la NASA), d’abandonner le cynisme qui irradiait volontairement ses œuvres précédentes (L’ImpasseSnake EyesMission Impossible) et d’achever son récit sur un grand climax métaphysique, De Palma semble ne pas savoir sur quel pied danser. La première séquence martienne s’avère pourtant prometteuse. La titanesque tempête qui s’abat sur l’expédition et disloque littéralement les malheureux astronautes, servie par des effets visuels époustouflants d’ILM, nous laisse bouche bée. La mission de sauvetage qui se met ensuite en place, menée conjointement par un beau quatuor d’acteurs (Tim Robbins, Gary Sinise, Connie Nielsen et Jerry O’Connell), laisse encore aux spectateurs beaucoup d’espoir. Mais lorsque cette mission tourne à la catastrophe, le film atteint un point de non-retour. Tout bascule lors de la scène excessivement dramatisée du sacrifice d’un des personnages principaux. Là, alors que tous les protagonistes sont en sortie extravéhiculaire, les effets visuels commencent à défaillir, et la musique d’Ennio Morricone devient exagérément romantique. Au lieu d’amplifier par sa présence une séquence conçue pour saisir les spectateurs d’émotion, la bande originale abuse de trompettes mélancoliques et de violons languissants jusqu’à provoquer un effet de décalage à la limite du risible. Tout se passe comme si Morricone et De Palma, trop heureux de leurs retrouvailles après plus de dix ans de séparation, se laissaient aller à l’emphase en oubliant toute mesure. Dès lors, le film s’avère incapable de doser ses effets et s’achemine vers un grand final saugrenu. 

Le début de la fin…

Mission to Mars se voulant rationnel et cartésien, il s’interdit tout mystère, même si l’entrée des survivants dans la blancheur immaculée du visage géant évoque les conclusions ambiguës de 2001 et de Rencontres du Troisième Type. Le scénario ayant pris le parti de tout expliquer et tout montrer sans laisser de place à la suggestion, les spectateurs déconcertés découvrent alors une sorte de planétarium numérique racontant pédagogiquement l’histoire de notre système solaire, jusqu’à ce que surgisse un extra-terrestre féminin – conçu avec des images de synthèse d’une effroyable laideur – jouant auprès de nos héros le rôle de professeur d’astronomie. Notre suspension d’incrédulité, mise à rude épreuve, vole alors en éclats. Le tout premier plan de Mission to Mars montrait le lancement d’une fusée qui n’était en réalité qu’un accessoire de feu d’artifice. C’est hélas l’impression que nous laissera finalement le film : celle d’un pétard mouillé. Brian de Palma ne se remettra jamais vraiment de cet échec artistique, s’efforçant dès lors de retrouver en vain la verve du cinéaste immense et génial qu’il fut autrefois.
 
© Gilles Penso

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