BATES MOTEL (2013-2017)

Qui était le jeune Norman Bates avant de devenir le tueur désaxé mis en scène par Alfred Hitchcock dans Psychose ?

TITRE ORIGINAL

2013/2017 – USA

Réalisé par Carlton Cruse, Kerry Ehrin et Anthony Cipriano

Avec Vera Farmiga, Freddie Highmore, Max Thieriot, Olivia Cooke, Nestor Carbonell, Nicola Peltz, Kenny Johnson

THEMA TUEURS I SAGA PSYCHOSE

Le téléfilm Bates Motel de 1987 ayant sombré dans les limbes de l’oubli sans jamais engendrer le show télévisé qu’il était censé précéder, il pouvait sembler hasardeux d’initier une nouvelle série portant le même titre. Pourtant, le scénariste Anthony Cipriano tente sa chance en 2013 en écrivant un premier épisode qui séduit les producteurs Carlton Cuse (Lost) et Kerry Ehrin (Friday Night Lights). Tous trois parviennent à convaincre Universal TV et la chaîne A&E de se lancer dans l’aventure. La série Bates Motel s’intéresse aux événements survenus plusieurs années avant le drame narré dans Psychose et fait donc office de prequel, s’enfonçant dans la brèche qu’ouvrait le téléfilm de Mick Garris Psychose 4, si ce n’est que l’intrigue ne se situe pas dans les années 50 mais à notre époque. Tout commence par la mort apparemment accidentelle de Monsieur Bates. Six mois après le drame, son épouse Norma (Vera Farmiga, vue dans Esther et The Conjuring) et son fils de 17 ans Norman (Freddie Highmore, révélé par Charlie et la Chocolaterie) quittent l’Arizona et tentent un nouveau départ. Norma a acheté un motel et une maison attenante dont tous les deux vont s’occuper. 

On sent très vite une forte complicité entre Norman et sa mère. Sans doute cette dernière est-elle un peu rigide, voire parfois castratrice, avec une certaine tendance à faire culpabiliser son fils quand il n’exécute pas ses volontés ou lorsqu’il essaie de nouer des relations avec l’extérieur. Mais rien ne semble encore anormal dans cette relation fusionnelle. Toute la subtilité de la série repose justement sur la finesse du traitement de ses personnages. Les réactions impulsives et autoritaires de Norma ne s’esquissent que progressivement et finiront par se justifier à cause d’une série de traumatismes passés. Quant à Norman, il se découvre bientôt une passion – et un talent indiscutable – pour la taxidermie. Peu à peu, par petites touches subtiles, la psychose s’installe en lui. Il a des sautes d’humeur, commence à entendre ou à voir sa mère sans qu’elle soit réellement avec lui, se comporte de manière obsessive et compulsive, a parfois des absences au cours desquelles il agit sans s’en rendre compte. C’est lors de ces « blackouts » que s’effectue le transfert progressif de la personnalité de sa mère en lui. Il croit d’abord lui parler, puis finit par se prendre pour elle. Cette dernière le soupçonne bientôt de se livrer à des meurtres pendant ses absences. Comble du paradoxe, Norman est persuadé que c’est sa mère qui commet ces crimes. Mais leur amour mutuel est tellement inconditionnel que ces soupçons n’entachent pas leurs liens, au contraire. Ils s’auto-protègent jusqu’à adopter des comportements irrationnels. 

La porosité entre le bien et le mal

Modèle d’écriture et de mise en scène, Bates Motel se refuse à tout manichéisme trop tranché, non seulement à propos de ses deux personnages principaux mais aussi avec leur entourage immédiat. Le shérif Alex Romero, incarné à merveille par Nestor Carbonnell (LostThe Dark Knight), est tour à tour menaçant et protecteur, sans cesse à la lisière entre le bien et le mal. Autre figure récurrente, Caleb (Kenny Johnson, l’un des flics corrompus de The Shield), le frère de Norma, est un être torturé qui passe son temps en quête d’une rédemption impossible. Dylan Massett (Max Thieriot), le demi-frère de Norman, semble de prime abord être un malfrat de bas étage profiteur et égoïste. Mais il va s’avérer protecteur, s’efforçant d’arracher son jeune frère à l’influence d’une mère qu’il juge néfaste et malsaine. C’est l’un des rares personnages vraiment positifs – voire « purs » – de la série, avec Emma Decody (Olivia Cooke), une jeune fille atteinte de mucoviscidose dont vont s’éprendre à tour de rôle les deux frères. Des moments de suspense très forts et des rebondissements permanents secouent les téléspectateurs tout au long de la série. Assister à autant de séquences nouvelles dans un décor si familier est une expérience assez déroutante, loin de ce qu’offrent généralement les prequels. La petite ville de White Pine Bay, dans laquelle se déroule le drame, n’est pas beaucoup plus tranquille que le motel de la famille Bates. Dylan en fait les frais lorsqu’il se laisse embarquer dans le trafic de drogue local qui entraîne un certain nombre de morts violentes. Parallèlement se pratique une traite des blanches dans laquelle est impliqué un des policiers de la ville, ainsi que bon nombre d’activités illégales chapeautées par le parrain de la pègre Bob Paris (Kevin Rahm). Du coup, par moments White Pine Bay aurait presque des allures de Twin Peaks. Cette bourgade évoque aussi parfois, par son caractère côtier, la station balnéaire Bodega Bay des Oiseaux. La bande originale de Chris Bacon, de son côté, construit son propre univers tout en se référant subtilement à celle de Bernard Herrmann, en détournant certaines de ses orchestrations et de ses arrangements pour violons. Succès artistique, critique et public, Bates Motel sera diffusée pendant cinq années consécutives sur les petits écrans américains, entre 2013 et 2017.
 
© Gilles Penso

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