Dirigée par Cecil B. De Mille, cette monumentale épopée fantastico-biblique se bonifie à chaque vision
SAMSON AND DELILAH
1949 – USA
Réalisé par Cecil B. De Mille
Avec Victor Mature, Hedy Lamarr, Angela Lansbury, George Sanders, Henry Wilcoxon, Olive Deering, Fay Holden
Aujourd’hui, Samson et Dalila est généralement considéré comme l’un des classiques épiques de Cecil B. De Mille, au même titre que Les Dix Commandements. Mais il n’en fut pas toujours ainsi. Trop hollywoodien pour les fervents lecteurs de l’Ancien Testament, trop porté sur le sexe et la violence pour un public encore assez puritain, le film fut également vilipendé par les détracteurs du sculptural Victor Mature, ancienne vedette de Tumak fils de la jungle. Sujet à d’innombrables phobies malgré ses allures de colosse imperturbable, le comédien émailla en effet le tournage de nombreux incidents que la presse de l’époque colporta allègrement. Sans parler de cette fameuse boutade, généralement attribuée à Groucho Marx, selon laquelle « il est difficile de s’intéresser à un film dans lequel le héros a une plus grosse poitrine que l’héroïne. »
Mais qu’importent les commérages d’antan. Samson et Dalila est un monument qui se bonifie à chaque vision, alternant avec maestria les séquences spectaculaires (le combat contre le lion, le massacre de mille Philistins, le climax cataclysmique) et les moments intimes (au sein desquels la parade amoureuse à laquelle se livrent les deux protagonistes du titre prend une place majeure). Dans le rôle de Samson, l’homme le plus fort de la tribu de Dan, héros du peuple juif oppressé par les Philistins, Victor Mature est tout simplement parfait. La vigueur de sa musculature et la hauteur de sa stature contrastent avec son sourire amer et son regard de chien battu. Par bien des aspects, il évoque la future star Sylvester Stallone, dont il faillit d’ailleurs interpréter le père dans L’Embrouille est dans le sac de John Landis (le rôle échut finalement à Kirk Douglas). Face à lui, Hedy Lamarr tient le rôle de sa vie, sous les atours ensorcelants de la perverse et délicieuse Dalila, amoureuse éconduite usant de ses charmes pour faire chuter le colosse aux pieds d’argile dont elle est éprise. A côté de son inoubliable prestation, la Scarlett O’Hara de Victor Fleming et la Cléopâtre de Joseph Manciewicz passeraient presque pour des modèles d’altruisme et de bienveillance.
« Si j'étais rasé, ma force se retirerait de moi… »
Le scénario du film suit assez fidèlement les péripéties décrites par le Livre des Juges, avec pour point d’orgue la révélation cruciale, que le texte biblique exprime en ces termes : « si j’étais rasé, ma force se retirerait de moi, je deviendrais faible et je serais pareil à un homme quelconque », et que le script, riche en répliques savoureuses aux allures d’aphorismes, reprend quasiment à l’identique. C’est là que Samson et Dalila exprime pleinement son rattachement au genre fantastique, la chevelure du héros étant le vecteur entre Dieu et l’homme, doté par sa foi d’une force surpassant celle de tous ses congénères. Et lorsque le temple de Dagon – divinité philistine réinventée en 1917 par H.P. Lovecraft et dès lors empreinte d’une forte connotation démoniaque – s’écroule sur ses bases, Samson et Dalila marque la fusion sublime entre le péplum, le film catastrophe et la fable mythologique. Avec 12 millions de dollars de recettes, ce fut le plus gros succès cinématographique de l’année 1949, et le meilleur score jamais enregistré alors par le studio Paramount.
© Gilles Penso
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