Une chasse à l'homme - ou plutôt à la femme - qui se réapproprie les codes du cinéma d'exploitation des années 70
REVENGE
2017 – FRANCE
Réalisé par Coralie Fargeat
Avec Matilda Lutz, Kevin Janssens, Vincent Colombe, Guillaume Bouchède, Avant Strangel
THEMA TUEURS
Comme son titre l’indique de manière explicite, le premier long-métrage de Coralie Fargeat se réclame du « Rape and Revenge », ce fameux sous-genre du cinéma d’exploitation ayant éclos dans les années 70 pour narrer la vengeance brutale de femmes maltraitées et violentées par les hommes. Un regard nouveau et féminin sur ce motif récurrent du cinéma de genre s’annonçait prometteur. Revenge prend place dans une zone désertique dont la photogénie est transcendée par une mise en image jouant presque la carte du surréalisme et nous évoquant par moments les premiers films de Russel Mulcahy. Riche chef d’entreprise doublé d’un père de famille attentionné, Richard (Kevin Janssens) s’offre une fois par an une escapade avec ses amis Stan (Vincent Colombe) et Dimitri (Guillaume Bouchède). Au programme : partie de chasse dans les canyons, soirées arrosées et – petite nouveauté cette année – partie de jambes en l’air avec une jolie lolita prénommée Jennifer (Matilda Lutz) qui rêve de faire carrière à Hollywood. Mais la belle ingénue se déhanche sans doute un peu trop sensuellement un soir de beuverie et émoustille les sens de Stan qui, n’en pouvant plus, profite d’une absence de Richard pour abuser d’elle. A partir de là, les événements dégénèrent jusqu’à se muer en chasse à l’homme sanglante et impitoyable.
Force est de constater que l’esthétique du film, si soignée soit-elle, n’est qu’une jolie coquille désespérément vide. Pour pouvoir traiter un tel sujet, il était indispensable de choisir une tonalité et un point de vue, quels qu’ils soient. En refusant de se positionner, la réalisatrice prête automatiquement le flanc à toutes les critiques et ne parvient jamais à nous convaincre. Comment s’intéresser à la personnalité de cette jeune fille que Coralie Fargeat filme comme un morceau de viande appétissant, avec un voyeurisme et une vulgarité qui n’auraient pas dépareillé chez Michael Bay ? Comment croire une seconde à ce trio d’imbéciles qui cumulent tant de clichés machistes caricaturaux ? Comment accepter que notre héroïne chute de trente mètres dans le vide et s’empale sur un arbre mais survive sans trop d’encombres si le film conserve son imperturbable premier degré ?
Féministe ou sexiste ?
Les belles idées visuelles abondent et jouent souvent la carte de la métaphore pour mieux illustrer la dégénérescence de la situation (la pomme croquée qui s’abime progressivement, le T-shirt « I Love L.A. » qui brûle) et la mutation de Jennifer (le Phénix, symbole évident de la résurrection, qui s’imprime sur son ventre après une cautérisation improvisée). Mais pour dépasser leur statut de gimmick, il aurait fallu que ces images s’appuient sur un discours clair ou – tout du moins – une définition explicite des motivations de chacun. Car même la riposte est traitée par-dessus la jambe. Jennifer ne se mue jamais vraiment en « ange de la vengeance » puisqu’elle semble guidée par une volonté extérieure sur laquelle elle n’a visiblement aucune prise. Ce n’est une femme forte qu’en apparence. La vêtir comme une sauvageonne et la doter d’un fusil n’y change pas grand-chose. Pire : cette imagerie sexy renforce son objectification. L’implication physique des personnages est certes admirable, le sens de l’image de la réalisatrice indéniable et son traitement de la violence sans concession. Mais sans histoire digne de ce nom, sans personnages solides, à quoi bon ?
© Gilles Penso
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