Le premier roman de Stephen King éclabousse les écrans sous la direction flamboyante de Brian de Palma
CARRIE
1976 – USA
Réalisé par Brian de Palma
Avec Sissy Spacek, Amy Irving, Piper Laurie, Nancy Allen, John Travolta, William Katt, Betty Buckley, P.J. Soles, Sydney Lassick
THEMA POUVOIRS PARANORMAUX I SAGA STEPHEN KING
L’histoire du cinéma connaît parfois des moments de grâce, des instants un peu magiques où l’univers d’un auteur et celui d’un réalisateur entrent en contact pour se nourrir l’un l’autre et accoucher d’un chef d’œuvre. C’est le cas de Carrie, première adaptation du premier roman de Stephen King (du moins le premier qui fut publié). Introvertie, écrasée par l’autorité d’une mère bigote, Carrie White (Sissy Spacek) possède le pouvoir de déplacer les objets à distance. Bouc émissaire de ses camarades de lycée, elle est en proie aux pires moqueries lorsqu’elle panique le jour de ses premières règles. Pour s’excuser de ce comportement cruel et infantile, la lycéenne Sue Snell (Amy Irving) demande à son fiancé Tommy Ross (William Katt) d’inviter Carrie au bal de fin d’année. La soirée commence bien, mais une plaisanterie de très mauvais goût déclenche la colère de Carrie, prélude d’une vengeance aux répercussions cataclysmiques…
Ecrit par Lawrence D. Cohen, le scénario opte pour une narration plus linéaire que celle du livre et adopte principalement le point de vue de Carrie, alors que King s’intéressait majoritairement à celui de Sue Snell. De Palma en profite pour évacuer certains éléments surnaturels qui, selon lui, auraient pu nuire à la crédibilité du récit. Dans Carrie, le sang joue un rôle bien particulier. Stephen King en était déjà parfaitement conscient, et Brian de Palma décide d’en décupler les répercussions. Ainsi, si le roman commence par un incident survenu pendant l’enfance de Carrie White, au cours duquel elle provoqua une pluie de pierres sur le toit de sa maison, le film s’ouvre sur la scène de la douche et des règles de la jeune fille, comme si l’écoulement du sang était le déclencheur de ses pouvoirs. Le sang se remettra à couler bien plus tard, de manière extrêmement spectaculaire, au moment où Chris Argenson (Nancy Allen) et Billy Nolan (John Travolta, dans son tout premier rôle à l’écran) feront basculer sur Carrie un seau empli de sang de cochon, alors qu’elle rayonne dans sa plus jolie robe au milieu du bal de fin d’année.
Le sang révélateur
Cet effet miroir – le sang des règles qui marque le début du récit et celui du cochon qui annonce sa clôture – scelle définitivement le destin des personnages tandis que Carrie, écarlate, cernée par l’incendie dantesque qu’elle a provoqué, prend les allures de la Lady Macbeth peinte par Gustave Moreau. Pour filmer ce massacre, Brian De Palma alterne le split-screen (une technique dont il s’est fait une marque de fabrique) et le plein écran. Avec le recul, il regrettera pourtant d’y avoir recouru, persuadé qu’un découpage plus classique aurait permis une implication plus viscérale du spectateur. Audacieux et particulièrement déstabilisant, le climax de Carrie est pourtant resté dans toutes les mémoires. Il faut bien sûr saluer la prestation de Sissy Spacek, qui ne fut pourtant pas le premier choix de De Palma et dont il fit passer le casting pour faire plaisir à son petit ami de l’époque, le chef décorateur Jack Fisk. L’implication physique et émotionnelle de la comédienne est totale dans le film, qui repose en très grande partie sur ses épaules. Stephen King appréciera tant le film qu’il le jugera supérieur au livre, et citera souvent Carrie comme l’adaptation idéale d’un de ses écrits.
© Gilles Penso
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