Le réalisateur de Creed met en scène un Avenger félin et griffu issu du fin fond de l'Afrique
BLACK PANTHER
2018 – USA
Réalisé par Ryan Coogler
Avec Chadwick Boseman, Michael B. Jordan, Lupita Nyong’o, Martin Freeman, Angela Bassett, Forest Whitaker, Andy Serkis
THEMA SUPER-HEROS I SAGA AVENGERS I MARVEL
Comment l’homme qui a réalisé Creed a-t-il été capable de commettre Black Panther ? Toute la finesse, la beauté, l’emphase opératique, le lyrisme et la profondeur qui seyaient si bien au septième opus de la saga Rocky se sont ici complètement évaporés. Dès les premières minutes, les problèmes majeurs du film sautent aux yeux : une direction artistique épouvantable (Jack Kirby doit sans doute faire des triples saltos dans sa tombe), un postulat scénaristique réduit à sa plus simple expression et une totale absence d’ambition du côté de la mise en scène. Ryan Coogler aurait-il été à ce point bridé par son tout-puissant producteur Kevin Feige ? C’est probable. Il est en tout cas difficile de ne pas ressentir un malaise durable face à cette vision incroyablement naïve d’une Afrique de carte postale digne de “Tintin au Congo“ dans laquelle se serait érigée une sorte d’oasis rétro-futuriste aussi peu convaincante que l’Asgard de Thor. Dans ce décor improbable, les vaisseaux spatiaux à la Buck Rogers survolent des rhinocéros numériques, les costumes des autochtones alternent boubous traditionnels et panoplies en plastique brillant, et l’intégralité du casting joue avec un accent africain embarrassant (la palme revenant en ce domaine à Forrest Whitaker, qui tient sans doute ici son pire rôle ex-aequo avec celui de Battlefield Earth).
Les séquences d’action sont au diapason. Souvent illisibles, les poursuites et les combats émaillant le film ont une fâcheuse tendance à confondre vitesse et rythme et abusent surtout d’images de synthèse pour remplacer les belligérants ou les véhicules. De fait, les cascades automobiles dans les rues coréennes frôlent bien souvent la caricature (lorsque Black Panther surplombe une voiture couchée sur le côté qui fonce sur l’asphalte, on se croirait presque dans Kung Fury !) et le duel final au-dessus du vide ressemble à une animatique qui n’aurait pas été finalisée… Même le talentueux compositeur Ludwig Goransson abandonne toute tentative de subtilité, saturant sa bande originale orchestrale de percussions africaines et optant pour une rythmique rap dès que le « bad guy » entre en scène. Black Panther aurait pu jouer avec les codes du cinéma de Blaxploitation des années 70, dont il semble vouloir reprendre le principe, mais il ne sait finalement pas sur quel pied danser, n’assumant pas vraiment son statut de film de super-héros mais ne cherchant pas non plus à transcender le genre.
Super-héros et Blaxploitation
Voilà donc un étrange objet filmique qui se pare malgré tout d’excellents acteurs – son seul véritable point fort – notamment le très charismatique Chadwick Boseman dans le rôle-titre, l’impressionnant Michael B. Jordan en antagoniste moins manichéen qu’on aurait pu l’imaginer, la splendide Angela Bassett sous les traits vénérables de la mère du héros, le savoureux Martin Freeman (notre Hobbit favori) en ancien militaire qui se rallie à la cause des habitants de Wakanda ou encore cette bonne vieille trogne de Andy Serkis qui occupe l’espace (pour une fois non virtuel) avec beaucoup d’aisance sous la défroque du maléfique Ulysses Klaue. Dommage que cette distribution de premier choix n’ait pas grand-chose à défendre et que le discours politique (« les fous construisent des barricades, les sages bâtissent des ponts ») ne s’amorce timidement qu’après le générique de fin.
© Gilles Penso
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