Une experte en linguistique est chargée d'entrer en communication avec d'étranges visiteurs extra-terrestres
ARRIVAL
2016 – USA
Réalisé par Denis Villeneuve
Avec Amy Adams, Jeremy Renner, Forest Whitaker, Michael Stuhlbarg, Tzi Ma, Mark O’Brien
THEMA EXTRA-TERRESTRES
Après un triptyque unanimement salué par la critique et le public – Incendies, Prisonners et Sicario – le cinéaste canadien Denis Villeneuve quitte la terre ferme qui lui était familière pour s’essayer à la science-fiction. Sa source d’inspiration ? Une nouvelle de Ted Chiang, « L’Histoire de ta vie », maintes fois primée dès de sa publication en 1999. Avoir confié le scénario à Eric Heisserer peut surprendre, dans la mesure où ses travaux précédents (le remake des Griffes de la Nuit, la prequel de The Thing, Final Destination 5) ne sont pas des modèles de finesse. Pourtant son script joue la carte de la demi-mesure et de l’épure, respectant assez scrupuleusement la structure établie dans la prose de Chiang. Les premières images du film flirtent ouvertement avec le cinéma de Terrence Malick. Filmées à fleur de peau, les tranches de vie de Louise (Amy Adams) et de sa fille à différents âges de son existence exhalent tour à tour la tendresse, la frustration, le bonheur intense ou la tristesse la plus absolue, en une montagne russe émotionnelle qui sait nous toucher sans pour autant gagner notre pleine implication, dans la mesure où quelque chose nous échappe ouvertement dans cette narration elliptique.
Le récit change brusquement de cap lorsque douze gigantesques vaisseaux extraterrestres de forme oblongue entrent dans l’espace aérien de plusieurs villes de notre planète et stationnent au-dessus du sol. Qui sont ces visiteurs d’outre-espace ? Que veulent-ils ? Comment entrer en communication avec eux ? Louise étant une experte en linguistique, elle fait partie des rares privilégiés qui, à travers le globe, vont entrer dans l’un des vaisseaux pour tenter de comprendre le langage des entités venues d’ailleurs. Si les visions surréalistes de ces objets titanesques en suspension saisissent follement notre imagination, la première apparition des aliens met à mal notre suspension d’incrédulité. Certes, Villeneuve prend bien soin de les masquer dans la brume, derrière une paroi transparente impénétrable, et ne nous laisse distinguer que leur silhouette en contre-jour. Mais ces heptapodes colossaux et tentaculaires, presque frères jumeaux des créatures du Monsters de Gareth Edwards, véhiculent une imagerie pulp que le cinéaste refuse résolument d’assumer. « Rassurez-vous, ce n’est pas qu’un vulgaire film de science-fiction » semble vouloir affirmer sans cesse le cinéaste à son public, comme si le genre cinématographique inventé par Georges Méliès n’était pas assez noble pour se suffire à lui-même. Ce faisant, il met en scène des pieuvres géantes extraterrestres qui contredisent fatalement cette approche intellectualisée.
De la science-fiction qui ne s'assume pas ?
Plus problématique : en laissant reposer la majorité de son scénario sur les tentatives de traduction en langage humain d’un dialecte venu d’ailleurs, Premier Contact tombe dans le piège de l’adaptation littérale incapable de traduire en grammaire cinématographique les mots d’un écrivain. Là où Steven Spielberg avait eu l’intelligence d’opter pour un langage non écrit pour Rencontres du Troisième Type, Villeneuve laisse le texte envahir son film jusqu’à saturation, cultivant en outre le motif de « l’élu » (un seul être humain choisi entre tous pour sauver l’humanité) qui dénoue artificiellement la situation en jouant le rôle providentiel de deus ex-machina. Malgré sa beauté plastique, sa sensibilité et sa pudeur, Premier Contact ne nous convainc donc qu’à moitié, prouvant à quel point la science-fiction est un genre bien plus exigeant et complexe qu’il n’y paraît.
© Gilles Penso
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