Si ce remake de Peter et Elliott cultive une certaine nostalgie, elle n’est pas vraiment liée au « classique Disney » dont il s’inspire – avec lequel il n’entretient qu’un faible nombre de points communs – mais à une époque révolue où l’homme entretenait un lien plus étroit avec la nature qu’avec la technologie, et où la révolution numérique n’avait pas encore eu lieu. Il est d’ailleurs difficile de déterminer à quelle époque exactement se situe le film. Les téléphones n’y sont pas portables, les disques sont en vinyl, et tout laisse à penser que nous naviguons dans une ambiance plus proche des années 70/80 que celle du 21ème siècle. Le réalisateur David Lowery, venu du cinéma indépendant américain, n’insiste pas outre mesure sur le caractère « d’époque » de son métrage. Il apporte en revanche un soin tout particulier à la construction d’un environnement réaliste et naturel.
Dans la petite ville imaginaire de Millhaven, les traditions ont la vie dure et la majeure partie des habitants vit en fonction de la grande forêt qui jouxte les habitations. Les autochtones sont bûcherons, gardes forestiers, tailleurs de bois. Ce caractère « terrien » séculaire est symbolisé par le vénérable Monsieur Meacham, qu’incarne avec sérénité Robert Redford. Plongé dans ses rêves de jeunesse, ce personnage résolument spielbergien raconte à qui veut l’entendre sa rencontre avec un dragon dans les bois. L’histoire amuse les enfants, mais la créature magique existe vraiment, et le lien qu’elle entretient avec l’orphelin Peter constitue le cœur et le moteur du récit. Le jeune héros n’a pas grand-chose à voir avec son modèle de 1977. Ce n’est plus un gavroche en salopette qui fuit sa famille adoptive mais un enfant livré à lui-même au milieu de la forêt après l’accident de voiture ayant couté la vie à ses parents. Nous sommes donc plus proches de l’univers de Mowgli, de Tarzan ou de L’Enfant Sauvage.
Un petit air de Mowgli
Plus encore que son aîné de quarante ans, Elliott ressemble quant à lui à un gros chien. Il est quadrupède, remue la queue quand il est heureux, a la truffe humide, le regard malicieux, les oreilles dressées, les crocs baveux et le corps couvert de pelage. Mais lorsqu’il déploie ses grandes ailes et s’élève dans le ciel, sa silhouette est incontestablement celle d’un majestueux dragon. Cette impression est confirmée pendant le climax du film, alors que sa colère est déchaînée et qu’il crache des torrents de flammes à l’encontre de ceux qui lui veulent du mal. Débarrassé des atours « disneyens » de la version réalisée par Don Chaffey (le mélange de dessin animé et des prises de vues réelles, les chansons), ce nouveau Peter et Elliott assume donc pleinement ses composantes fantastiques sans pour autant se départir d’un certain réalisme dans le traitement des humains. A ce titre, le jeune Oakes Fegley nous touche particulièrement dans la peau de Peter, enfant-loup déraciné qui s’adapte mal à la civilisation malgré un manque cruel d’affection. Voilà toute la force de cette relecture de Peter et Elliott le Dragon : un parfait équilibre entre le conte pour enfants traditionnel et la chronique intimiste, entre le fantastique gorgé d’effets spéciaux spectaculaires et la comédie familiale.
© Gilles Penso
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