Un jour, le corps d'une jeune femme se met à entrer en putréfaction, sans raison, de manière inexorable…
THANATOMORPHOSE
2012 – CANADA
Réalisé par Eric Falardeau
Avec Kayden Rose, Émile Beaudry, Eryka Cantieri, Roch-Denis Gagnon, Davyd Tousignant
THEMA MORT
Le réalisateur québécois Eric Falardeau a une passion pour le corps humain, ses fluides, son vieillissement. A l’instar de David Cronenberg qui entretient un rapport aussi affectif avec le corps qu’Eric Falardeau, ce dernier a étudié de près tout ce qui en traite, a même rédigé une thèse sur le sujet et ses courts-métrages reflètent cette passion, comme dans Purgatory par exemple, dans lequel un homme, également mal dans sa peau, faisait subir à son corps des nombreux sévices afin de ressentir des choses. Avec Thanatomorphose, il nous présente un peu le penchant inverse de Purgatory puisqu’ici, c’est une jeune femme qui va voir son corps pourrir de façon inéluctable et ce, sans aucune raison apparente. Eric Falardeau ne donne aucune explication sur le pourquoi du comment et ce sera à chacun de trouver sa propre explication. Pour ma part, je pense que la vie de Laura est tellement triste, tellement morne, si peu trépidante, que ce soit avec son petit ami ou ses amis, que son corps a décidé de devenir “sans vie”, comme elle. Une interprétation qui en vaudra une autre mais c’est comme ça que j’ai compris le film.
Disons-le tout net, la vision de Thanatomorphose n’a rien de plaisante. Entendez par là que le film n’est absolument pas un divertissement horrifique. Entre film d’auteur et film d’horreur, Thanatomorphose se contente de nous faire vivre le calvaire de Laura, ni plus, ni moins. Les amateurs de rythme soutenu ou les spectateurs s’attendant à suivre un film d’horreur “classique” pourront donc être rebutés par les trois premiers quarts d’heure dans lesquels Eric Falardeau nous impose son rythme lancinant, filmant Laura, superbement interprétée par l’actrice Kayden Rose, dans sa vie de tous les jours. Il ne se passe donc rien d’extraordinaire, on contemple la vie d’une personne lambda, comme si on espionnait notre voisine. Un rythme contemplatif qui je l’avoue m’a un peu refroidi, trouvant parfois le temps bien long, malgré l’intrusion, par savant dosage, de petits détails sur le corps de Laura qui nous font comprendre que la machine infernale du pourrissement s’est mise en marche : quelques traces de bleus qui ne s’estompent pas avec le temps, et pire, grossissent à vue d’oeil et se multiplient sur l’ensemble du corps ; deux ongles qui s’arrachent sans raison ; des démangeaisons, des rougeurs.
La lente dégradation
Le déroulement de cette première phase est donc à l’image de la vie de Laura : morne, sans vraiment de vie. Un passage néanmoins nécessaire (et voulu !) puisqu’on entre littéralement dans la peau de la jeune femme, on a l’impression de vivre son quotidien, de s’ennuyer autant qu’elle, de trouver son petit ami con et macho. Une première phase qui nous prépare sans qu’on le remarque vraiment à la seconde, celle où les choses s’accélèrent et où le sort de Laura va nous prendre aux tripes. Avec l’accélération du pourrissement du corps de Laura, Eric Falardeau fait alors bifurquer inexorablement son film dans une horreur crue, maladive, sans rémission. La dégradation physique du corps de Laura s’accompagne des superbes effets spéciaux et de maquillages de David Scherer et on ressent dans sa chair le pourrissement. On pense à des films comme La Mouche ou Moi, Zombie, Chronique de la douleur par exemple. Devenir un cadavre vivant, bardé d’asticots, tel est le triste sort de Laura et rien ne nous est épargné, tout est filmé frontalement et l’aspect nauséeux, répulsif, ne cesse de progresser. Thanatomorphose est donc un film “autre”, qui connaît un succès grandissant dans les festivals où il est présenté, récoltant sans cesse de nombreux prix. Bref, faites l’effort d’explorer une autre face du cinéma d’horreur, faites l’effort de tenter une autre expérience et de donner sa chance au cinéma indépendant. Vous ne le regretterez pas et il est sûr que certaines images vont longtemps vous trotter en tête.
© Stéphane Erbisti
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