L'un des trios d'humoristes les plus populaires du cinéma français des années 70/80 affronte le roi des vampires dans une comédie gentiment poussive
Chantres d’un humour franchouillard passé de mode depuis des lustres, les Charlots, chanteurs et musiciens à succès (ils firent tout de même la première partie des Rolling Stones !) devenus acteurs en 1970, ont su faire s’esclaffer les foules de l’hexagone à travers des films aux titres aussi évocateurs que Les Bidasses en Folie, Les Fous du Stade, Les Charlots font l’Espagne, Le Grand Bazar, Les Quatre Charlots Mousquetaires ou encore Bons Baisers de Hong-Kong. Pour fêter les dix ans de leur carrière cinématographique et inaugurer les années 80, les trois piliers du groupe (Gérard Rinaldi, Jean Sarrus et Gérard Filipelli) décident de marcher sur les traces d’Abott et Costello en se confrontant au plus grand vampire de tous les temps.
Mais c’est à peu près le seul point commun qu’on pourra trouver entre Les Charlots contre Dracula et une aventure des Deux Nigauds, tant l’aspect parodique du genre est ici sacrifié au profit de la comédie potache et de la drôlerie de bas étage. Il suffit de voir comment sont abordés les aspects fantastiques de l’intrigue pour comprendre que la présence du comte transylvanien aux dents longues n’est ici qu’un prétexte comme un autre pour mettre en valeur les pitreries du joyeux trio. Lorsque le film commence, le fils de Dracula (« Dracounet » pour les intimes) a douze ans. Il porte une cape et dort dans un cercueil, comme son défunt papa, et veut boire du sang comme lui. Mais les vampires sont usés par les vicissitudes des temps modernes, et pour posséder leur célèbres pouvoirs d’antan, ils ont besoin désormais d’une potion spéciale. Or une malédiction pèse sur la fiole qui renferme le précieux breuvage. Tous ceux qui veulent s’en approcher sont aussitôt pétrifiés, sauf la mère de Dracula Jr, ou toute femme qui lui ressemblerait trait pour trait. Un jour, la vénérable épouse de Dracula Sr rend l’âme. 35 ans et demi plus tard (comme nous l’annonce un carton très précis), Dracounet est devenu adulte et possède désormais les traits du comédien grec Andréas Voutsinas. Il loue les services du détective privé Gaston Lepope (Gérard Jugnot, alors en pleine période Bronzés) pour dénicher un sosie de sa mère afin de pouvoir enfin mettre la main sur la potion tant convoitée. Lepope trouve finalement la perle rare à Paris, dans une brocante où travaillent justement nos trois Charlots…
« Dieu est belge ! »
Et c’est parti pour une heure et demi de courses-poursuites laborieuses (les déambulations dans le train, les chassés croisés dans la forêt puis dans le château de Dracula), de gags interminables (la chute du plus haut pont d’Europe servie par un trucage optique abominable, la chauve-souris morte dont on essaie de se débarrasser) et de répliques absurdes (l’inénarrable « Dieu est belge ! »). La mise en scène télévisuelle de Jean-Pierre Desagnat, le montage constellé de faux-raccords et la musique éléphantesque signée par les Charlots eux-mêmes sont en accord avec la tonalité générale du film. Même l’inégal Dracula père et fils d’Edouard Molinaro ferait figure de chef d’œuvre à côté de ce Charlots contre Dracula fier de sa propre balourdise, témoignage d’une époque révolue où la comédie n’avait pas besoin d’être très sophistiquée pour titiller les zygomatiques des spectateurs bien de chez nous.
© Gilles Penso
Partagez cet article