Un remake du classique de Tobe Hooper et Steven Spielberg qui pâlit fatalement de la comparaison avec son modèle
POLTERGEIST
2015 – USA
Réalisé par Gil Kenan
Avec Sam Rockwell, Rosemarie DeWitt, Jared Harris, Jane Adams, Saxon Sharbino, Kyle Catlett, Kennedi Clements
THEMA FANTÔMES I SAGA POLTERGEIST
Après avoir produit des remakes de The Grudge et de son propre Evil Dead, Sam Raimi a choisi de s’attaquer au monumental Poltergeist et d’en confier la relecture à Gil Kenan, réalisateur de Monster House et La Cité de l’Ombre. Mais comment décemment emboîter le pas de deux géants tels que Tobe Hooper et Steven Spielberg ? Le doute était permis. Pourtant, ce nouveau Poltergeist démarre plutôt bien. Au cours du générique, un visage monstrueux et squelettique émerge de l’écran empli de parasites. Serions-nous déjà en présence des esprits frappeurs ? Non. Il s’agit d’un faux départ. Un zoom arrière nous révèle en effet une tablette sur laquelle un jeune garçon s’immerge dans un jeu vidéo empli de monstres à abattre. Le gag est cocasse, d’autant que l’enfant, blasé par les horreurs virtuelles qui s’animent sous ses yeux, se révèlera plus tard dans le film bien plus impressionnable face aux terreurs « à l’ancienne » : le clown, l’orage, les amis imaginaires de sa petite sœur ou l’arbre colossal.
Pour marquer une rupture avec son modèle, le Poltergeist de Gil Kenan s’inscrit pleinement dans son époque, d’un point de vue technologique mais aussi social. En 1982, l’emménagement d’une famille de la middle class dans un quartier résidentiel était synonyme d’ascension et d’épanouissement. Mais en 2015, la donne a changé. La famille Bowen s’établit ici en zone pavillonnaire par dépit, suite à la perte de l’emploi du père incarné par Sam Rockwell. Quand les premiers phénomènes étranges surviennent au sein de ce cercle familial à l’équilibre fragile, la mise en scène de Gil Kenan sait jouer la carte de la subtilité. Hélas, tout bascule au moment du déchainement des forces surnaturelles dans la maison hantée. Soudain, la subtilité n’est plus de mise et l’envie d’en mettre plein la vue aux spectateurs prend le pas sur toute ambition artistique. Le film n’est alors plus qu’une imitation servile de son modèle, dont il essaie maladroitement de reprendre les scènes les plus célèbres en les surchargeant d’effets numériques souvent grossiers. La peur naissant souvent de la suggestion et de l’incompréhension, Kenan fait ici fausse route en cherchant à tout montrer et tout expliquer. Un chuchotement dans les ténèbres est pourtant tellement plus inquiétant qu’une horde de morts-vivants en image de synthèse !
Une subversion politiquement correcte
Même les petits écarts subversifs du premier Poltergeist (les parents s’autorisant l’allumage d’un joint après avoir couché leurs enfants) ont été sérieusement revus à la baisse. L’herbe a été remplacée par du whisky, que notre héros va plus tard s’empresser de vider dans l’évier pour sacrifier au sacro-saint politiquement correct. Et que dire de ce médium de télé-réalité à l’emphase caricaturale qui joue les exorcistes sans une once de crédibilité ? Plus le film avance, plus l’étendue du ratage s’accroît. Comme en outre le compositeur Marc Streintenfeld se contente d’apposer des déflagrations sonores sur chaque effet choc, alors que Jerry Goldsmith avait jadis su nous inquiéter avec une envoûtante mélopée chantée par des chœurs d’enfants, on réalise que ce Poltergeist n’a finalement qu’un seul véritable intérêt : nous donner furieusement envie de revoir l’original, le seul, le vrai !
© Gilles Penso
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