Pour se mettre dans l'air du temps, le studio Hammer arrache Dracula à son environnement gothique et le fait débarquer au milieu des années 70
DRACULA A.D. 72
1972 – GB
Réalisé par Alan Gibson
Avec Christopher Lee, Peter Cushing, Stephanie Beacham, Christopher Neame, Michael Coles, Marsha Hunt, Caroline Munro
THEMA DRACULA I VAMPIRES I SAGA DRACULA DE LA HAMMER
Avec Les Cicatrices de Dracula, le studio Hammer prouvait qu’il avait atteint les limites de la franchise tirée de Bram Stoker et que les variantes autour du mythe commençaient sérieusement à tourner en rond. D’où la volonté, en ces jeunes années 70, de remettre le comte vampire au goût du jour en le transposant à l’époque moderne. Pour que la transition se fasse relativement en douceur, le prologue, situé en 1872, nous montre un affrontement entre Dracula et Van Helsing sur une carriole lancée à vive allure. A l’issue du combat, les deux belligérants périssent, Dracula se retrouvant empalé par l’une des roues du véhicule. Miraculeusement présent sur les lieux, un adepte du vampire (Christopher Neame) récupère ses cendres et les enterre dans un mausolée. Aussitôt, le film nous transporte cent ans dans le futur, au beau milieu des seventies du plus mauvais goût qui soit. Aux accents d’une musique pop hystérique, nous nous retrouvons dans une party pas piquée des vers. Les filles en maillot de bain se déhanchent, les coupes de cheveu sont improbables, les costumes semblent échappés de Hair.
C’est dans cette ambiance mi-funky mi-hippie qu’un groupe d’amis décide de tromper son ennui en se prêtant au jeu de la messe noire. Cette idée leur est soufflée par le fêtard Johnny Alucard (sic), qui n’est autre que l’adorateur de Dracula que nous croisions un siècle plus tôt, et qui n’a pas pris une ride depuis. Le scénario emprunte donc l’une des idées maîtresses d’Une Messe pour Dracula, les aristocrates blasés étant simplement remplacés par des adolescents… tout aussi blasés. Parmi les jeunes gens réunis au cimetière ce soir-là, on reconnaît la toute belle Caroline Munro, peu encore familière du grand écran, dans le rôle de l’ingénue Laura. A l’issue de la cérémonie, Alucard verse son sang dans les cendres de Dracula et asperge la belle du mélange peu ragoûtant qu’il obtient. Aussitôt, le comte aux dents longues ressuscite, avec force fumigènes, et Laura sera sa première victime. Mais le vampire et son adorateur visent en réalité un autre membre du petit groupe d’amis : Jessica Van Helsing (Stephanie Beacham), dont le grand-père (Peter Cushing) descend en droite lignée du célèbre chasseur de vampires.
Le vampire qui voyageait dans le temps
Tout est donc prêt pour un duel au sommet, mais Dracula 73 fait bien pâle figure face aux épisodes précédents. Il faut dire qu’à trop vouloir être dans l’air du temps, le film d’Alan Gibson finit par sombrer dans le ridicule, d’autant qu’ici, plus que jamais, Christopher Lee n’est plus qu’un figurant dont on sent bien la lassitude et le manque de conviction. Restent quelques dialogues amusants, comme Van Helsing qui déclare solennellement « le Diable existe » et se voit répondre par un inspecteur de Scotland Yard : « Naturellement, voilà pourquoi il y a la police ». D’autres répliques soulèvent d’intéressants points de vue, notamment lorsque le même Van Helsing compare les vampires au Phénix de la mythologie, qui renaît systématiquement de ses cendres. Mais c’est insuffisant pour que la mayonnaise prenne. On note qu’en France et en Espagne, le titre original Dracula A.D. 72 se mua en Dracula 73 à cause du décalage de sa sortie en salles.
© Gilles Penso