STREET TRASH (1987)

À 22 ans, Jim Muro réalise un film bête et méchant qui rivalise en débordements gore avec les premiers longs-métrages de Peter Jackson

STREET TRASH

1987 – USA

Réalisé par Jim Muro

Avec Mike Lackey, Bill Chepil, Marc Sferazza, Jane Arakawa, Nicole Potter, Pat Ryan

THEMA MUTATIONS 

Dans les bas-fonds de Manhattan où vivent des épaves humaines, des sans abris réfugiés dans une casse de voitures et des laissés pour compte, deux adolescents à la dérive, Fred et Kevin, tentent de survivre malgré l’animosité que leurs vouent leurs antipathiques voisins de rue. Un jour, l’épicier du coin découvre dans sa cave une caisse remplie d’une boisson inconnue. Il se met à vendre ces bouteilles à très bas prix, rameutant rapidement toute la faune locale. Mais cet alcool a des effets désastreux. Ceux qui en boivent meurent en effet dans d’épouvantables souffrances, transformés en flaques de bouillie jaunâtre… Dans le domaine du mauvais goût outrageux, Jim Muro, à peine âgé de 22 ans pendant le tournage, réussit à battre le Peter Jackson de Bad Taste sur son propre terrain. Viol collectif, nécrophilie, émasculation, scatologie et gore excessif sont au programme de Street Trash qui joue la carte de la surenchère sans le moindre garde fou. Le summum du délire est atteint lorsque les clochards absorbent l’alcool toxique : les corps gonflent, explosent, fondent, se décomposent, se liquéfient, dans un festival d’éclaboussures sans retenue. L’auteur de ces effets spéciaux bien dégoulinants est Jennifer Aspinall, qui avait eu l’insigne honneur de donner naissance au Toxic Avenger quelques années plus tôt. Jim Muro désamorce cette accumulation de sang, de vomi, d’urine, de chair putréfiée et de cadavres disloqués par un ton burlesque systématique qui donne souvent à Street Trash les allures d’un Tex Avery version hard. 

L’épilogue, qui se déroule pendant le générique de fin, semble carrément échappé d’un film des ZAZ. Parmi les délires gras du film, on note aussi la bouteille de gaz qui est propulsée dans les airs et décapite salement un colosse barbu dont la tête va s’échouer quelques mètres plus loin. Et puis une mention toute spéciale à la partie de volley entre clochards dans laquelle la balle est remplacée par un pénis fraîchement arraché ! Pour éviter les foudres de la censure, Muro procède de la même manière que Sam Raimi pendant le tournage d’Evil Dead 2, c’est-à-dire en évitant les giclées de sang écarlate. Si des fluides innombrables inondent l’écran tout au long de Street Trash, ils sont volontiers multicolores, muant du coup tout effet sanglant en abstraction pure. 

Une certaine misanthropie désemparée

Bizarrement, au beau milieu de ce délire bien gras semblent émerger un désenchantement et un désespoir qui mueraient presque ce « splatter » en film d’auteur. Cet enchaînement de violences et de bassesses va même jusqu’à évoquer – toutes proportions gardées – certaines des toutes premières œuvres d’Abel Ferrara et Martin Scorsese. Un peu comme si Jim Muro s’était servi du véhicule « film d’horreur » pour traduire une sorte de misanthropie désemparée. Toujours est-il que Street Trash sera son unique film, notre homme se tournant par la suite vers de plus sages activités, c’est-à-dire le maniement virtuose d’une steadicam dans bon nombre de films d’action, notamment pour James Cameron (Terminator 2Titanic), Martin Scorsese (Casino) et Katherine Bigelow (Strange Days). Pour l’anecdote, Bryan Singer, futur réalisateur d’Usual Suspects et X-Men, fit ses débuts sur Street Trash en tant qu’assistant.

 

© Gilles Penso

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