Le cinéma britannique des années 60, on le sait, a largement puisé dans le patrimoine fantastique américain des années 30, nous offrant des perles comme Le Cauchemar de Dracula, Frankenstein s’est échappé, La Malédiction des Pharaons et autres La Nuit du Loup-Garou. Inévitablement, King Kong allait bientôt faire l’objet d’un quasi-remake anglais. Hélas, Charles Lamont n’ayant pas le talent de Terence Fisher et la compagnie AIP pas les mêmes ambitions que la Hammer, ce Konga n’a pas grand-chose pour séduire, même si on lui épargne la comparaison avec le chef d’œuvre dont il s’inspire évasivement. Michael Gough y incarne le professeur Charles Decker, éminent botaniste disparu dans la jungle africaine, qui regagne Londres après un an d’absence, en ramenant avec lui le jeune chimpanzé Konga et des graines de plantes insectivores. Accueilli par la presse, il déclare fièrement avoir découvert le chaînon entre la vie animale et la vie végétale. Grâce à un sérum extrait d’une plante récoltée chez les indigènes Bagandas, les graines deviennent en moins d’une semaine des végétaux arrivés à maturité. Ils atteignent une taille impressionnante, se nourrissent de viande et recèlent un enzyme qui leur permet de digérer n’importe quelle proie. Decker inocule ensuite le sérum à Konga, qui triple de volume et se transforme en gorille, défiant toutes les lois de l’évolution et de la logique. D’autant que le primate est dès lors incarné par un comédien dans un costume velu un tantinet grotesque.
Atteint d’une mégalomanie croissante, Decker éprouve la docilité du singe en lui ordonnant de tuer le docteur Foster, qui était vivement opposé à ses activités, puis le professeur Tagor, un dangereux rival, et enfin Bob, l’ami d’une jeune étudiante blondinette et pimpante dont Decker s’est épris. La majeure partie du film est ainsi consacrée à une vengeance par gorille interposé, reprenant sans beaucoup d’innovation la trame de ces bons vieux thrillers d’épouvante avec Bela Lugosi. Mais le film s’appelant Konga et le poster exhibant un primate gigantesque semant la terreur dans Londres, Charles Lamont est bien obligé de passer à la taille supérieure au moment du climax. Jalouse de la jolie étudiante, Margaret, la maîtresse et collaboratrice de Decker, fait donc une nouvelle injection à Konga qui devient géant, la tue, crève le plafond du laboratoire, enlève Decker et provoque une belle panique dans les rues londoniennes.
A l'assaut de Big Ben
Michael Gough se substitue ainsi à Fay Wray (on a pas mal perdu au change !) et Big Ben à l’Empire State Building. Cet épilogue potentiellement emphatique est hélas ruiné par la piètre qualité des effets spéciaux (transparences catastrophiques, poupée à l’effigie de Gough pas réaliste pour un sou) et par le manque de conviction des figurants, qui courent en tous sens sans visiblement savoir ce qui est censé les effrayer. Bien évidemment, l’armée intervient et fait feu, jusqu’à l’inévitable trépas du gorille géant, qui redevient illico un petit chimpanzé. Au moment de sa distribution vidéo dans les années 80, Konga fut rebaptisé Panique sur Londres. Il y a fort à parier que la relative popularité du film soit davantage due à son affiche prometteuse qu’à son décevant contenu.
© Gilles Penso