Greg McLean réalise lui-même la séquelle de son shocker / survival brutal en forçant volontairement le trait
WOLF CREEK 2
2013 – AUSTRALIE
Réalisé par Greg McLean
Avec John Jarratt, Ryan Corr, Shannon Ashlyn, Philippe Klaus, Shane Connor
THEMA TUEURS
En 2005, l’Australien Greg McLean avait bluffé son monde avec un survival au traitement très personnel, Wolf Creek. La réussite du film tenait dans une mise en scène à la fois naturaliste et soignée, une excellente direction d’acteurs (tous crédibles), une structure efficace en deux parties (longue immersion avec les protagonistes menant à une totale empathie / rupture de ton vers une traque haletante), et surtout, un mémorable boogeyman haut en couleurs, Mick Taylor, version sadique du Mick sympathique de Crocodile Dundee. Succès aidant, une suite paraissait inévitable. McLean a pris son temps et nous a d’abord donné le magistral Solitaire, grand film d’aventures à l’ancienne avec le plus beau crocodile géant jamais contemplé sur un écran, avant de revenir vers le personnage qui l’a rendu célèbre. Face à toute séquelle cinématographique, on est en droit d’en questionner la légitimité, rares étant celles qui apportent vraiment quelque chose au sujet et qui dépassent leur simple but mercantile. Ici, la note d’intention est limpide dès la séquence d’ouverture : Wolf Creek 2 est un véhicule à la gloire de son bad guy. Contrairement à l’opus précédent où il n’arrivait que sur le tard, il est ici le personnage principal, et le « héros », c’est lui (sentiment renforcé par le fait qu’il massacre d’emblée deux flics antipathiques qui lui cherchent des noises, et non l’inverse).
Le premier épisode puisait abondamment dans Massacre à la Tronçonneuse, la suite braconne donc logiquement sur les terres de la folie débridée et cartoonesque de Massacre à la Tronçonneuse 2. Le ton est plus ouvertement acide, l’humour noir exacerbé de Mick (John Jarratt est en feu) arrose ses effusions gore, flirtant dangereusement avec le slapstick à la sauce Tex Avery, au risque de désacraliser son méchant et de le « Freddy Kruger-iser ». En outre, le survival attendu se mue plutôt en film d’action avec cascades à l’ancienne, rappelant forcément le compatriote Mad Max 2, l’inoubliable Hitcher, et citant même le chef-d’œuvre halluciné de Ted Kotcheff, Réveil dans la terreur, au détour d’un massacre (ici burlesque) de kangourous. Vers la moitié du métrage, et ce malgré la mise en scène toujours efficace de McLean et sa superbe photographie, on commence donc à se demander si tout ceci est bien raisonnable… Heureusement, soudain le scénario bascule et un nouvel arrivant apporte une touche d’originalité bienvenue. Un anglais égaré (très juste Ryan Corr) croise la route d’une proie de Mick, contrariant les plans de ce dernier. Cette rencontre inopinée donne lieu à la meilleure séquence du film, où le grand méchant loup et sa victime se retrouvent face-à-face, dans une sorte de « Questions pour un champion » glauque, chaque mauvaise réponse se soldant par un doigt en moins.
« Question pour un champion » version gore
A ce moment, le torture porn ricanant à la Saw qui pourrait se profiler laisse place à l’analyse intéressante d’un certain cloisonnement de l’outback australien, connu pour son hospitalité toute personnelle (sujet récurrent dans les films provenant de l’île). Mick axe ses questions pièges sur le passé colonial de l’Angleterre sur son continent et fait preuve d’une xénophobie, d’une rancune et d’une mauvaise foi sans bornes. On comprend donc qu’une de ses motivations dans le massacre de touristes (son métier en quelque sorte) serait cette détestation aveugle de l’Etranger. Voir l’Anglais et l’Australien entonner de concert des chants patriotiques du cru entre deux sévices ne manque alors pas de saveur. Cette profondeur et ce décalage inespérés donnent un coup de fouet à l’ensemble et emportent l’adhésion in extremis, sortant Wolf Creek 2 des rails confortables où il s’était installé. Attention néanmoins à l’épisode de trop.
© Julien Cassarino
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