« Qu’est-ce que le mal, sinon du bien torturé par sa propre faim et sa soif ? »
Khalil Gibran, Le Prophète
Génies du crime aux moyens démesurés ou dangereux psychopathes ayant mis leurs pouvoirs au service du mal, les super-vilains ont longtemps fleuri dans les pages des bandes dessinées et des romans d’agents secrets. Il n’est donc pas étonnant d’en trouver de mémorables spécimens dans les films de super-héros, les space opéra et les aventures d’espionnage, où ils affrontent des adversaires à leur hauteur et leur volent souvent la vedette. Témoins les inoubliables Goldfinger, Lex Luthor, Dark Vador, Blofeld, Bouffon Vert, Skeletor, Docteur No, Fatalis et autres Joker. Mais les super-vilains ont aussi droit à leurs propres films, ceux où aucun justicier masqué, héros de l’espace ou agent secret zélé ne vient contrecarrer leurs diaboliques desseins. Tour à tour vengeurs masqués (le Fantôme de l’Opéra, l’abominable docteur Phibes), sadiques impénitents (le comte Zaroff, la dominatrice Ilsa), criminels machiavéliques (le docteur Mabuse, Fantomas, Fu Manchu) ou savants fous aux rêves hégémoniques, les super-vilains se mirent à fleurir dans la littérature à la fin des années 1800.
Ce foisonnement s’explique en partie par le succès populaire du personnage du professeur Moriarty, ennemi juré de Sherlock Holmes né de l’imagination fertile du romancier Arthur Conan Doyle et surnommé « le Napoléon du Crime ». C’est dans le sillage de cet être maléfique que fleurirent maints super-criminels dotés ou non de pouvoirs surnaturels, mais généralement plus grands que nature, même s’ils furent souvent inspirés de personnages réels. Certes, des figures machiavéliques comme le Iago d’ »Othello » n’ont pas attendu le début du vingtième siècle pour s’épanouir, mais c’est vers 1900 que les super-vilains tel que nous les connaissons aujourd’hui se sont définitivement codifiés. Grimaçant ou froidement impassibles, masqués ou à visage découvert, ils ont bien sûr sauté le pas des pages des romans vers les écrans de cinéma, acquérant le statut de véritables icônes et se muant en métaphores idéales du Mal avec un grand M. « Plus le méchant est réussi, meilleur est le film ». Cet adage d’Alfred Hitchcock, entré dans la légende, s’applique ici avec panache, suscitant même une complicité un peu coupable du spectateur qui, il faut bien l’avouer, a souvent tendance à trouver le vilain plus séduisant que ses trop sages opposants.
FILMS CHRONIQUÉS
1925: Le Fantôme de l’Opéra de Rupert Julian
1932: Les Chasses du Comte Zaroff d’Ernest B. Schoedsack
1933: Masques de cire de Michael Curtiz
1933: Le Testament du Docteur Mabuse de Fritz Lang
1937: Le Chant de Minuit de Ma-Xu Weibang
1943: Le Fantôme de l’Opéra d’Arthur Lubin
1953: L’Homme au Masque de Cire d’André de Toth
1961: La Chambre des tortures de Roger Corman
1962: Le Fantôme de l’opéra de Terence Fisher
1963: La Vierge de Nuremberg d’Antonio Margheriti
1964: Le Château des morts-vivants de Luciano Ricci et Lorenzo Sabatini
1964: Fantomas de André Hunebelle
1965: Le Crâne maléfique de Freddie Francis
1965: Le Masque de Fu Manchu de Don Sharp
1965: Fantomas se déchaîne d’André Hunebelle
1966: Raspoutine le Moine Fou de Don Sharp
1966: Les 13 fiancées de Fu Manchu de Don Sharp
1967: Fantomas contre Scotland Yard d’André Hunebelle
1967: La Vengeance de Fu Manchu de Jeremy Summers
1968: Histoires extraordinaires de Roger Vadim, Louis Malle et Federico Fellini
1968: Satanik de Piero Vivarelli
1969: Sumuru, la cité sans hommes de Jess Franco
1971: L’Abominable Docteur Phibes de Robert Fuest
1974: Ilsa, la louve des SS de Don Edmonds
1974: Phantom of the Paradise de Brian de Palma
1976: Ilsa, gardienne de harem de Don Edmonds
1977: Ilsa, la tigresse du goulag de Don Edmonds
1977: Ilsa la tortionnaire de Jess Franco
1979: Écoute voir de Hugo Santiago
1983: Le Fantôme de l’Opéra de Robert Markowitz
1989: Le Fantôme de l’Opéra de Dwight Little
1990: Le Fantôme de l’Opéra de Tony Richardson
1993: Chasse à l’homme de John Woo
1997: Le Masque de cire de Sergio Stivatelli
1998: Le Fantôme de l’Opéra de Dario Argento
2004: Le Fantôme de l’Opéra de Joel Schumacher
2005: La Maison de cire de Jaume Collet-Serra
2016: Suicide Squad de David Ayer
2018: Venom de Ruben Fleischer
2019: Joker de Todd Philips
2020: Birds of Prey de Cathy Yan
2021: The Suicide Squad de James Gunn
2021: Venom: Let There Be Carnage d’Andy Serkis