Tobe Hooper s'intéresse une fois de plus aux désaxés de l'Amérique profonde en ajoutant un saurien vorace pour parachever le massacre
DEATH TRAP / EATEN ALIVE
1976 – USA
Réalisé par Tobe Hooper
Avec Neville Brand, Carolyn Jones, Mel Ferrer, Marilyn Burns, William Finley, Stuart Whitman, Robert Englund, Roberta Collins
THEMA TUEURS I REPTILES ET VOLATILES
Dans la mouvance de Massacre à la Tronçonneuse, Tobe Hooper s’est lancé dans un film d’horreur tout aussi abrupt, décrivant les méfaits d’un nouveau tueur désaxé au fin fond de l’Amérique profonde. Mais au milieu des années 70, le paysage du cinéma d’épouvante a changé, galvanisé par des hits colossaux comme Les Dents de la Mer. Probablement influencé par ses producteurs, Hooper s’efforça donc de mixer deux figures horrifiques à priori incompatibles : le psycho-killer et le monstre marin. D’où un résultat un peu hybride aux influences multiples. Le film repose beaucoup sur les épaules de Neville Brand, hallucinant interprète de Judd, tenancier d’un motel décrépi qui écoute de la country sur une vieille radio, traîne une jambe de bois et marmonne d’incompréhensibles allusions à une guerre dont il serait vétéran. Dès qu’il est saisi d’une pulsion sexuelle ou d’un accès de colère, le brave homme tue ou mutile les malheureux qui se trouvent sur son chemin, avant de les livrer aux féroces appétits du colossal crocodile qu’il garde précieusement sous enclos dans un marais. Ainsi, dès la première séquence, une jeune prostituée périt-elle fort brutalement sous des coups de fourche. Mais l’instrument de mort que préfère Judd est une grande faux, qu’il manie avec une jubilation identique à celle de Leatherface armé de sa tronçonneuse.
La comparaison avec l’indétrônable Massacre à la Tronçonneuse ne s’arrête pas là, dans la mesure où Hooper poursuit son portrait guère engageant des « rednecks » américains, baigne une fois de plus dans l’horreur sordide et sans concession, et se livre encore à des expérimentations musicales, signant ici une musique stressante et volontairement cacophonique. Le film vaut donc son pesant d’angoisse et de suspense, notamment lors des séquences liées à l’effroi d’une petite fille persécutée, et s’assortit d’un soupçon d’érotisme volontairement cru et banalisé. De toute évidence, le cinéaste s’intéresse plus à son tueur qu’au monstrueux crocodile avec lequel il partage l’affiche. Le reptile se contente donc la plupart du temps de faire de la figuration, même si le film entier semble tourner autour de lui. C’est la discrétion de ses interventions qui rend d’ailleurs sa présence si efficace, dans la mesure où l’on n’aperçoit que sa gueule dans la pénombre.
Un bain de sang hystérique
Et cette création mécanique est l’œuvre de Robert Mattey, qui s’illustra justement dans Les Dents de la Mer. Au détour du casting, le fantasticophile reconnaît quelques visages familiers, notamment Robert Englund (Les Griffes de la Nuit) en jeune vaurien insolent, Stuart Whitman (Le Club des Monstres) en shérif aguerri, Mel Ferrer (Le Continent des Hommes-Poissons) en père désespéré parti à la recherche de sa fille, Marilyn Burns (Massacre à la Tronçonneuse) dans son rôle favori de victime hurlante, ou encore William Finley (Phantom of the Paradise) qui campe ici l’un des personnages les plus étranges du film, un père de famille à priori équilibré mais régulièrement troublé par des accès de rage et de folie furieuse ! Comme on pouvait s’y attendre, Le Crocodile de la Mort s’achève dans un bain de sang hystérique à souhait.
© Gilles Penso
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