Après Cube, Vincenzo Natali se lance dans un récit d'espionnage futuriste qui questionne la déshumanisation et la quête d'identité
CYPHER
2002 – USA
Réalisé par Vincenzo Natali
Avec Jeremy Northam, Lucy Liu, Nigel Bennett, Tomothy Webber, David Hewlett, Kari Matchett, Anne Marie Scheffler
THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I FUTUR
Après le coup de maître de Cube, Vincenzo Natali persiste dans la voie du fantastique conceptuel avec cet étrange Cypher qui se situe dans un futur indéterminé. C’est l’occasion pour le jeune cinéaste de retrouver certains membres clefs de son équipe précédente, notamment la chef décoratrice Jasna Stefanovic et le chef opérateur Derek Rogers. Morgan Sullivan (Jeremy Northam) est le protagoniste de Cypher. Pour échapper à sa monotone vie banlieusarde, il accepte de devenir espion industriel pour le compte de la compagnie Digicorp Technologies. Sa mission consiste à se rendre sous l’identité de Jack Thursby au sein de diverses conventions autour des Etats-Unis et d’enregistrer tout ce qui se dit à l’aide d’un stylo émetteur. Sur son chemin, il rencontre une belle inconnue, Rita Foster, (Lucy Liu) qui l’incite à ne pas se fier aux apparences. Elle lui affirme que toutes les conférences auxquelles il assiste ne sont que des façades destinées à laver le cerveau de ceux qui y assistent afin de les doter d’autres identités. Pour sauver sa peau, Sullivan va devoir faire croire à ses supérieurs que leur manipulation a fonctionné. Mais Rita dit-elle la vérité ?
Une fois de plus, Natali cisèle sa mise en scène avec la minutie d’un orfèvre, confirme son goût pour les designs épurés et révèle de véritables dons d’esthète. L’univers rétro-futuriste épuré de Cypher semble avoir été inspiré au réalisateur et son équipe artistique par 2001 l’Odysée de l’Espace, l’un de ses films de chevet. Certains plans, et notamment ceux du début du film, sont de magnifiques tableaux quasi-surréalistes, nimbés d’une photographie presque monochrome rendant un hommage manifeste aux films noirs. Hommage que confirme le personnage de Rita, femme fatale archétypique dont la première rencontre avec le héros est soulignée par une partition jazzy de Michael Andrews. Mais la suite du film n’est pas à la hauteur de ce démarrage prometteur. Car le scénario s’efforce alors systématiquement de créer un coup de théâtre toutes les vingt minutes autour des interrogations “qui suis-je vraiment ?“ et “qui manipule qui ?“, jusqu’à ce que le spectateur perde un peu le fil de l’histoire et que son intérêt ne s’émousse malgré plusieurs scènes de suspense remarquablement mises en scène.
L'ombre d'Alfred Hitchcock
Admirateur manifeste d’Alfred Hitchcock, Natali semble avoir voulu rendre hommage à La Mort aux Trousses, à travers son espion à la double identité manipulé par des autorités qui le dépassent. Mais d’autres films viennent à l’esprit en cours de route, notamment Matrix, Dark City, Total Recall et Mission Impossible, ôtant peu à peu toute l’originalité d’un script qui, à force de vouloir surprendre, sombre au contraire dans la convention et le lieu commun. Dommage, car Vincenzo Natali semblait vouloir dénoncer avec pertinence la déshumanisation qui gagne peu à peu toutes les grandes villes du monde. « Avec Cypher, j’avais les romans de Philip K. Dick en tête, et ce sont ses thématiques clefs que j’ai tenté de développer », raconte le réalisateur. « A l’époque, aucun de ses livres n’avait été adapté en respectant l’essence de son propos, même si je considère Blade Runner comme un chef d’œuvre absolu. C’était donc une manière, pour moi, de rendre hommage à cet immense écrivain. » (1)
(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 2010
© Gilles Penso
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