Robert Wise signe l'un des films de maison hantée les plus emblématiques, en écartant les effets spectaculaires au profit d'une terreur invisible…
THE HAUNTING
1963 – USA
Réalisé par Robert Wise
Avec Julie Harris, Claire Bloom, Richard Johnson, Russ Tamblyn, Fay Compton, Rosalie Crutchley
THEMA FANTÔMES
Couronné par le succès de West Side Story, Robert Wise décide de revenir au cinéma d’épouvante qui lui permit de démarrer avec succès sa carrière de réalisateur dans les années 40. Il adapte donc un roman qui lui a fait une forte impression : « The Haunting of Hill House » écrit en 1959 par Shirley Jackson. Le film démarre par une énumération inquiétante de drames survenus dans une vaste demeure victorienne. Son premier propriétaire y perdit deux épouses et s’y noya. Sa fille y vieillit et y mourut. La jeune femme sensée s’occuper d’elle y devint folle et s’y pendit. Aujourd’hui, le professeur Markway (Richard Johnson), un anthropologue passionné par les phénomènes paranormaux, souhaite analyser les étrangetés de la demeure pour pouvoir déterminer si leur source est surnaturelle ou non. A la question sur ce qu’il espère y trouver, le scientifique répond : « peut-être la clef qui ouvre sur un autre monde ». Pour les besoins de son étude, il s’entoure d’un petit groupe de gens triés sur le volet : un jeune homme sceptique nommé Luke Sannerson (Russ Tamblyn), une médium extravertie, Theodora (Claire Bloom), et une femme à la sensibilité exacerbée, Eleonor (Julie Harris). Cette dernière nous apparaît dès le début du métrage comme névrosée et taciturne. Accablée par la culpabilité de la mort de sa mère, elle voit dans la proposition du professeur Markway une échappatoire, une fuite vers l’indépendance. Et l’on sent bien que l’expérience ne la laissera pas indemne.
Dans La Maison du Diable, le surnaturel est suggéré par des mouvements de caméra traduisant le vertige des protagonistes, par des cadrages les enfermant dans des coins exigus de l’écran, par des éclairages les plongeant partiellement dans le noir, par la musique d’Humphrey Searle ponctuant le silence de notes insolites. Ces effets de mise en scène, auxquels Robert Wise ajoute un emploi intensif des courtes focales et des contre-plongées sur les visages effrayés, atteignent leur point culminant au moment de la célèbre séquence de la porte qui se tord. Recluses dans leur chambre, les deux médiums y sont assaillies par des bruits de plus en plus menaçants, tandis que la porte qui les sépare du couloir est en proie à d’étranges torsions. Ce sera le seul véritable effet spécial du film, le plus gros des phénomènes se déroulant hors-champ, et donc dans l’imagination des spectateurs.
La clef de l'énigme est-elle surnaturelle ou psychiatrique ?
Voilà tout le génie de Robert Wise, qui applique ici les méthodes apprises au contact du producteur Val Lewton tout en les enrichissant de l’expérience acquise entre-temps. Ainsi, dans La Maison du Diable, un simple aboiement de chien au loin nous effraie, un innocent arpège à la harpe nous inquiète, un cognement derrière une porte nous pétrifie. Plus le film avance, plus il semble que la maison est animée d’une volonté propre, d’une conscience qui réagit à la présence de ses occupants… La fin du film s’avère éprouvante pour les nerfs, d’autant que Wise laisse le doute subsister. La clef de l’énigme est-elle surnaturelle ou psychiatrique ? La question reste sans réponse, et nous renvoie à un autre chef d’œuvre du genre, presque contemporain de La Maison du Diable : Les Innocents de Jack Clayton.
© Gilles Penso
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