Un banal employé de bureau sans histoire s'apprête sans le savoir à intégrer une secte de tueurs d'élite aux pouvoirs surhumains
WANTED
2008 – USA
Réalisé par Timur Bekmambetov
Avec James McAvoy, Angelina Jolie, Morgan Freeman, Terence Stamp, Common, Thomas Kretschmann, Kristen Hager
THEMA POUVOIRS SURNATURELS
Malgré leur confusion extrême, Night Watch et Day Watch démontraient l’indiscutable savoir-faire du réalisateur russe Timur Bekmambetov dans le domaine des effets spéciaux et des séquences d’action inédites. Il était donc prévisible qu’Hollywood finisse par lui faire les yeux doux. Avec Wanted, tiré d’une BD de Mark Milar et J.G. Jones, il accède au plus gros budget de sa carrière, et l’on s’attend forcément à un spectacle numérico-pyrotechnique destiné à nous en mettre plein la vue. Pourtant, la première partie du film témoigne d’un considérable assagissement de la mise en scène de Berkmambetov qui concentre sa caméra sur son personnage principal avec un humour pince sans rire que nous ne lui connaissions pas.
Agréablement surpris, nous découvrons les déboires de Wesley Gibson (James McAvoy), un employé de bureau couard et neurasthénique qui se laisse tyranniser par sa patronne et tromper par sa femme sans lever le petit doigt, bien que sa voix off désabusée nous laisse entendre qu’il n’en pense pas moins. La vie de cet homme insipide bascule le jour où Fox (Angelina Jolie, plus Lara Croft que jamais) lui sauve la vie au milieu d’une fusillade et lui fait découvrir la Fraternité, une secte de tueurs d’élite aux pouvoirs paranormaux qui planifient des meurtres censés préserver l’équilibre mondial. Leur devise : « un homme de tué, mille hommes de sauvés ». Cette confrérie descend d’une longue lignée de moines tisserands et leur maître actuel, Sloan (Morgan Freeman), détermine le nom des futures cibles grâce au code binaire obtenu à partir d’un métier à tisser ancestral. Wes découvre qu’il est le fils du meilleur tueur de la Fraternité, lequel vient d’être assassiné par le redoutable Cross (Thomas Kretschmann), un membre renégat du groupe. En danger de mort, notre petit fonctionnaire va devoir se soumettre à un entraînement éprouvant pour développer ses capacités extra-sensorielles et se muer à son tour en tueur quasi-indestructible.
Le « meurtre nécessaire », vraiment ?
Comme on pouvait s’y attendre, Berkmambetov ne tarde pas à retrouver ses vieux réflexes et à verser dans l’excès. Tant que sa frénésie visuelle se met au service de la dramaturgie, le public est prêt à accepter les balles qui sortent des canons en adoptant des trajectoires courbes pour éviter les obstacles, les voitures qui effectuent des cascades en apesanteur ou les humains qui rebondissent sur le toit de trains en pleine course. Mais le scénario fixe assez rapidement ses limites et jongle maladroitement avec la notion de « meurtre nécessaire » sans se positionner ouvertement sur le sujet. “Quelle que soit la raison, tuer n’est pas la solution” disaient les Beatles, tandis que George Brassens proclamait “si l’on devait tuer mille types pour que le monde devienne beau, je ne marcherais pas”, et nous aurions tendance à nous rallier à ces points de vue. Philip K. Dick lui-même, par Steven Spielberg interposé, mettait en évidence les failles d’une justice préventive condamnant les criminels avant leurs forfaits dans Minority Report. Mais la peine capitale mise en scène dans Wanted a des vertus récréatives dénuées de toute réelle crise de conscience. Sans aller jusqu’à taxer le film de fascisant, on peut s’interroger sur les valeurs qu’il défend. Reste à savoir ce que Timur Bekmambetov serait capable de faire si on lui confiait enfin un scénario digne de ce nom.
© Gilles Penso
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