UN MILLION D’ANNEES AVANT JC (1966)

Des dinosaures animés par Ray Harryhausen et Raquel Welch en peaux de bêtes, que demander de plus ?

ONE MILLION YEARS B.C.

1966 – GB

Réalisé par Don Chaffey

Avec Raquel Welch, John Richardson, Martine Beswick, Robert Brown, Yvonne Horner, Percy Herbert, Lisa Thomas

THEMA DINOSAURES I EXOTISME FANTASTIQUE

Depuis la fin des années 50, la firme britannique Hammer Film s’est spécialisée dans le recyclage talentueux des grands mythes du cinéma fantastique popularisés aux États-Unis par Universal : Dracula, Frankenstein, le Loup-Garou, la Momie… Un jour, Kenneth Hyman, producteur des Douze salopards, donne à Michael Carreras, responsable de la Hammer, l’idée de s’attaquer à Tumak, fils de la jungle, un « Roméo et Juliette » préhistorique réalisé en 1940 par Hal Roach. Carreras apprécie l’idée et propose à Ray Harryhausen d’en superviser les effets spéciaux. « Je pensais pouvoir faire un travail intéressant avec ce remake, parce que dans le film original, il y avait un acteur dans un costume de tyrannosaure qui semblait s’être échappé d’un bal costumé », nous explique ce dernier. « Il était tellement peu convaincant que le cadrage s’arrangeait pour le garder dissimulé le plus possible derrière un arbre. Ils ont également utilisé des reptiles vaguement travestis en dinosaures qui ressemblent à ce qu’ils sont vraiment, c’est-à-dire des lézards avec des nageoires en plastique collées sur le dos. » (1) Séparé momentanément de son producteur Charles H. Schneer parti œuvrer sur une comédie musicale, Harryhausen accepte donc l’offre et propose de confier la réalisation du film à Don Chaffey, avec qui il avait collaboré sur le magnifique Jason et les Argonautes. Carreras en profite pour propulser au rang de superstar la vedette du film, une Raquel Welch encore inconnue malgré l’indéniable grâce de ses 25 printemps. Réticente à l’idée de démarrer sa carrière aux côtés de dinosaures et d’hommes des cavernes, la belle se laisse finalement séduire par le prestige de la Hammer et le talent de Ray Harryhausen. Après tout, Steve McQueen lui-même n’était-il pas devenu une vedette après avoir affronté un extra-terrestre gélatineux dans Danger planétaire ? Miss Welch est donc « empruntée » à la 20th Century Fox et pose en peau de bête pour les besoins d’une campagne publicitaire gigantesque, à tel point qu’elle devient l’un des icônes incontournables des années 60.

 

Comme lieu de tournage, Carreras, Chaffey et Harryhausen tombent d’accord sur Lanzarotte, l’une des îles Canaries dont les paysages tourmentés et volcaniques se prêtent bien à une atmosphère antédiluvienne. Bien sûr, la magie des effets d’Harryhausen demeure le principal attrait du film. Le sommet technique de ces effets est atteint avec l’attaque du village préhistorique par un allosaure doté d’une foule de détails réalistes : sa gorge et sa poitrine se gonflent pendant sa respiration, et ses yeux traduisent une férocité très expressive. Les autres créatures antédiluviennes du film, toutes largement inspirées par les peintures du célèbre artiste Charles Knight, sont une tortue gigantesque, un brontosaure construit autour de l’armature du dragon du 7ème voyage de Sinbad, un tricératops et un cératosaure en plein pugilat et deux ptérosaures enragés luttant à mort pour les beaux yeux de Raquel. « Je me souviens très bien de ce jour où nous étions en tournage sur la plage, dans nos petits bikinis en fourrure », nous confie Martine Beswick, brune rivale de Raquel Welch dans le film. « Nous étions censés être attaqués par des monstres volants, mais évidemment il n’y avait rien face à nous. Ray Harryhausen est alors monté sur le toit d’un camion, avec un grand piquet, et il s’agitait en poussant des cris pour que nous sachions dans quelle direction regarder. Nous ne savions absolument pas ce que donnerait le résultat à l’écran, mais nous lui faisions confiance. Quand on pense à l’incroyable travail que cet homme effectuait tout seul, longtemps avant l’ère du numérique, on ne peut être qu’impressionnés. » (2)

Jurassique anachronique

Bien sûr, Raquel Welch et Martine Beswick sont des femmes préhistoriques aussi sculpturales qu’improbables, mais le fait même de mêler hommes et dinosaures est suffisamment significatif quant aux intentions des auteurs, assez peu portés sur le documentaire scientifique, malgré une voix off explicative didactique pendant le prologue du film. « Ce n’était certes pas un documentaire », nous confirme Harryhausen. « Si les femmes de la préhistoire ressemblaient à Raquel Welch, alors nous avons beaucoup régressé ! » (3). Le film s’achève par un inévitable cataclysme final, au moins aussi impressionnant que celui de Tumak fils de la jungle qui s’avérait déjà très marquant. Pour ce faire, d’authentiques prises de vues de volcans en éruption sont mêlées à des reconstitutions en miniature. Le film rapporte la coquette de somme de 2,5 millions de dollars, ce qui n’est guère négligeable en 1966, et permet de rétablir au box-office à la fois la Hammer et Ray Harryhausen, dont le film précédent, Les Premiers hommes dans la Lune, n’avait guère fait d’éclat en salles. Aujourd’hui encore, Un million d’années avant JC ne cesse de ravir les fans grâce à son charme délicieusement rétro, au bestiaire fantastique de Harryhausen et à l’exquise photogénie de Raquel Welch et de ses compagnes « cro-mignones ».

 

(1) et (3) Propos recueillis par votre serviteur en février 2004.

(2) Propos recueillis par votre serviteur en juin 2019

© Gilles Penso