Cette immersion avant-gardiste dans un univers virtuel fut sans doute un peu trop en avance sur son temps
TRON
1982 – USA
Réalisé par Steven Lisberger
Avec Jeff Bridges, David Warner, Bruce Boxleitner, Cindy Morgan, Barnard Hughes
Tron est un film tout à fait à part dans l’histoire du cinéma, une œuvre visionnaire et quelque peu déjantée qui aura souffert de sortir trop tôt sur les écrans, à une époque où les spectateurs se laissaient plus volontiers conquérir par l’amitié entre un extra-terrestre et un petit garçon, les affrontements épiques entre l’Empire Galactique et les guerriers rebelles ou les exploits rétro d’un intrépide archéologue. L’idée de départ de Tron est née dans l’esprit inventif de Steven Lisberger, réalisateur de films d’animation, et de son ami producteur Donald Kushner, tous deux cultivant une ardente passion pour les jeux vidéo. Le scénario part du principe un peu vertigineux que chaque programmateur de logiciels possède son propre double numérique qui évolue dans les circuits informatiques, et que ces deux univers parallèles coexistent. D’où une entrée en matière pour le moins étrange où, dans une salle de jeux vidéo, quelqu’un s’amuse aux courses de « cycles de lumière » (des motos futuristes qui laissent dans leur sillage un mur rectiligne et infranchissable), tandis que dans l’ordinateur, deux motocyclistes lumineux s’affrontent vraiment. L’un des personnages principaux de ce film fou est Kevin Flynn (Jeff Bridges), un créateur de jeux vidéo dont les idées ont été volées par son ex-patron Ed Dillinger (incarné par David Warner après le désistement de Peter O’Toole), désormais président de l’entreprise Encom.
Pour pouvoir contrôler tout ce que font les employés de la société sur leurs ordinateurs, Dillinger utilise un vaste programme de sécurité, le MCP (Maître Contrôle Principal). L’un de ces employés, Alan Bradley (Bruce Boxleitner), se rend compte de cette surveillance informatique. Avec l’aide de sa fiancée Lora (Cindy Morgan) et de Flynn, il décide de s’infiltrer de nuit dans les locaux d’Encom pour mettre à jour les piratages de Dillinger. Mais le MCP décide d’intervenir. En pilotant un canon laser, il désintègre littéralement Flynn, qui se recompose dans l’univers informatique sous forme d’un individu électronique baptisé Clu. Là, il rencontre les alter ego numériques de Dillinger, Lora et Alan, qui se nomment respectivement Sark, Yori et Tron. C’est donc de l’intérieur de la machine qu’il doit affronter son ancien employeur et le tout puissant MCP.
Colorisation, dessin animé et images de synthèse
Et c’est parti pour cinquante minutes d’images surréalistes, fruit de techniques diverses qui mélangent colorisation (les prises de vues réelles de ces séquences ayant été tournées en noir et blanc), dessin animé et images de synthèse d’avant-garde. Les motos lumineuses, les chars d’assaut cubiques, le combat de frisbees lumineux, le voilier solaire sont depuis entrés dans les mémoires. Sans les performances héroïques des pionniers de l’image de synthèse qui permirent à Tron de se concrétiser, nul doute que les exploits actuels en matière de trucages numériques n’auraient jamais vu le jour. Historiquement, Tron marque donc une date importante dans l’histoire du cinéma de SF, même si sa mise en scène un peu pataude et son scénario accidenté jouent quelque peu en sa défaveur. Etrangement, le film ne reçut aucune nomination aux Oscars pour ses effets visuels. Et si son succès fut mitigé, le jeu vidéo d’arcade qu’il inspira, en revanche, fut un véritable hit mondial.
© Gilles Penso
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