Paul Verhoeven adapte un récit de Philip K. Dick et marque le cinéma de science-fiction d'une nouvelle œuvre d'exception
TOTAL RECALL
1990 – USA
Réalisé par Paul Verhoeven
Avec Arnold Schwareznegger, Rachel Ticotin, Sharon Stone, Michael Ironside, Ronny Cox, Marshall Bell
THEMA FUTUR I RÊVES I MONDES VIRTUELS ET MONDES PARALLELES
Heureux de sa collaboration avec David Cronenberg sur Dead Zone, le producteur Dino de Laurentiis proposa au réalisateur canadien l’adaptation de la nouvelle « Souvenirs à vendre » de Philip K. Dick. Rebaptisé Total Recall, le scénario fut co-écrit par Cronenberg et Ronald Shusset, mais au bout d’une quinzaine de versions, il devint évident que les deux hommes ne parviendraient pas à accorder leurs violons. Cronenberg s’en alla donc réaliser La Mouche pour Mel Brooks, De Laurentiis fit faillite, et Carolco récupéra le projet à l’initiative d’Arnold Schwarzenegger, heureux d’en tenir la vedette. Quant à la mise en scène, elle fut confiée à Paul Verhoeven, déclaré « homme de la situation » après son excellent travail sur Robocop.
Total Recall se déroule en 2048. Hanté par un cauchemar qui l’entraîne chaque nuit sur Mars, l’ouvrier Doug Quaid (Schwarzy) s’adresse à un laboratoire, Recall, qui lui offre de matérialiser son rêve grâce à un puissant hallucinogène. Mais l’expérience dérape : la drogue réveille en lui le souvenir d’un séjour bien réel sur Mars, à l’époque où il était l’agent le plus redouté du cruel Vilos Coohagen (Ronny Cox). Afin de dissiper ses souvenirs confus et de faire la part du réel et du fantasmé, Quaid décide de repartir sur Mars… Deuxième adaptation marquante d’un récit de Philip K. Dick, après le Blade Runner de Ridley Scott, Total Recall marque une nouvelle étape importante dans la science-fiction cinématographique, et ce à plus d’un titre. D’un point de vue strictement visuel, il convient de saluer la performance conjointe de tous les départements d’effets spéciaux mis à contribution. Ainsi les maquillages de Rob Bottin repoussent-ils les limites de l’animatronique (le robot chauffeur de taxi, le mutant Kuato greffé sur un estomac humain) et les maquettes se combinent-elles aux images réelles grâce à de révolutionnaires prises de vues pilotées par ordinateur (voir notamment la scène du métro martien). « J’ai également utilisé des images de synthèse, ce qui n’était pas fréquent à l’époque », ajoute fièrement Paul Verhoeven. « C’était dans la scène où Arnold Schwarzenegger passe devant un détecteur de métaux et que son squelette apparaît en 3D. » (1)
Rêve ou réalité ?
Mais sans les cheminements labyrinthiques du scénario, finalement co-rédigé par Shusset, Dan O’Bannon et Gary Goldman, les effets spéciaux ne seraient que d’amusantes attractions. Or c’est la force du récit qui mua presque Total Recall en classique du genre. Le thème du double, du souvenir faussé et de l’équilibre sans cesse menacé entre une réalité onirique et un rêve très réaliste s’entremêlent de manière vertigineuse. Et l’éclair de génie le plus magistral est bien de ne proposer aucune solution définitive au spectateur et de le laisser conclure lui-même en fonction de ce qu’il croit être la réalité, à partir des éléments soigneusement disséminés au cours de la narration. Sans doute une direction artistique plus raffinée et un comédien plus subtil que Schwarzenegger (comme Richard Dreyfuss ou William Hurt, envisagés à l’origine par Verhoeven) auraient-ils renforcé le réalisme du film. Mais l’impact de Total Recall n’en souffre pas outre mesure, et une série TV à succès y fera suite quatre ans plus tard.
(1) Propos recueillis par votre serviteur en décembre 1997
© Gilles Penso
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