« Jamais aucun rêve délirant d’un cerveau dérangé ne créa vision plus sauvage, plus fantastique, plus infernale que cette bête qui dévalait du brouillard. »
(Arthur Conan Doyle, “Le Chien des Baskerville”)
Les phobies que l’être humain peut développer à l’encontre du règne animal ne se limitent pas aux serpents, aux insectes et aux araignées. La classe des mammifères peut aussi figurer au panthéon des vecteurs de frayeurs basiques, peut-être parce que l’homme lui-même en fait partie, distinguant avec appréhension chez ses cousins à poils et à griffes sa propre part bestiale. Tel est d’ailleurs le thème central de La Féline, qui reprend à son compte le mythe du loup-garou. Les rongeurs sont sans doute les plus repoussants de tous les mammifères. La peur qu’ils suscitent, les hurlements qu’ils provoquent, les rats les doivent en grande partie à leur réputation de véhicules de la peste (ce que l’histoire, hélas, confirma sinistrement), à leurs séjours prolongés dans les égouts, mais aussi à leur morphologie combinant des crocs acérés, un pelage hirsute et une longue queue écailleuse. Ce qui explique l’efficacité d’œuvres telles que Willard, Terreur à domicile ou Soudain les monstres. Guère mieux loties, les chauve-souris n’attirent guère la sympathie non plus, d’autant que leur association quasi-systématique au vampirisme laisse imaginer une tendance infondée au suçage de sang intempestif, comme en témoignent entre autres La Nuit des chauves-souris et The Roost.
Moins viscérale mais tout aussi primale, la peur que provoquent fauves affamés, ours mal léchés ou sangliers en furie se justifie évidemment par le caractère sauvage desdits animaux et par leur force indéniable. Face à un tigre affamé ou un bison enragé, un homme désarmé ne fait évidemment pas le poids. A ce titre, La Revanche des animaux, Les Fauves Meurtriers, Jumanji ou Razorback collectionnent des séquences d’attaques animales particulièrement impressionnantes. Même les chiens et les chats, pourtant réputés meilleurs compagnons de l’homo sapiens, savent se faire craindre quand des romanciers aussi suggestifs qu’Edgar Poe, Conan Doyle ou Stephen King, relayés par des cinéastes inspirés, leur prêtent les pires intentions du monde. Le mystère voluptueux des ronronnements félins et l’intelligence troublante des regards canins se muent alors en autant de menaces sourdes et impalpables, notamment dans Le Chien des Baskerville, Les Griffes de la peur, Les Chats du diable, Le Chat noir, Zoltan, The Breed, Dressé pour Tuer et bien sûr Cujo. Toujours friands d’inventivité, scénaristes et réalisateurs ne s’en tiennent pas à ce choix pourtant assez large, puisant dans les espèces les plus inoffensives de la création matière à alimenter leurs films d’horreur. Ainsi avons nous droit à des moutons transgéniques (Black Sheep), des vaches génétiquement modifiées (Isolation) et même des lapins géants (Les Rongeurs de l’apocalypse) !
© Gilles Penso
FILMS CHRONIQUÉS
1939: Le Chien des Baskerville de Sidney Lanfield
1940: La Chauve-souris du diable de Jean Yarbrough
1942: La Féline de Jacques Tourneur
1943: L’Homme-léopard de Jacques Tourneur
1952: Le Renne blanc de Erik Blomberg
1957: L’Homme qui rétrécit de Jack Arnold
1959: Le Chien des Baskerville de Terence Fisher
1962: L’Empire de la Terreur de Roger Corman
1963: Les Fauves meurtriers de Robert Gordon
1964: La Tombe de Ligeia de Roger Corman
1969: Les Griffes de la peur de David Lowell Rich
1971: Willard de Daniel Mann
1972: Ben de Phil Karlson
1972: Les Rongeurs de l’Apocalypse de William F. Claxton
1975: Apocalypse 2024 de L.Q. Jones
1975: Soudain… les monstres ! de Bert I. Gordon
1977: Les Chats du diable de Denis Héroux
1977: La Revanche des animaux de William Girdler
1977: Zoltan le chien sanglant de Dracula d’Albert Band
1978: Long week-end de Colin Eggleston
1979: Les Chiens d’Alain Jessua
1981: Le Chat noir de Lucio Fulci
1982: Dressé pour tuer de Samuel Fuller
1982: La Féline de Paul Schrader
1983: Cujo de Lewis Teague
1983: En plein cauchemar de Joseph Sargent
1983: Les Rats de Manhattan de Bruno Mattei
1983: Terreur à domicile de George Pan Cosmatos
1984: Razorback de Russel Mulcahy
1985: Cat’s Eye de Lewis Teague
1985: Ladyhawke de Richard Donner
1987: Le Clandestin de Greydon Clark
1989: Baxter de Jérôme Boivin
1989: Les Feebles de Peter Jackson
1990: La Créature du Cimetière de Ralph S. Singleton
1990: Darkside, les Contes de la Nuit Noire de John Harrison
1990: Deux yeux maléfiques de Dario Argento et George A. Romero
1992: La Nuit Déchirée de Mick Garris
1993: Max, le meilleur ami de l’homme de John Lafia
1995: Babe, le cochon devenu berger de Chris Noonan
1995: Jumanji de Joe Johnston
1997: Didier d’Alain Chabat
1999: La Nuit des Chauves-Souris de Louis Morneau
2001: Le Pacte des loups de Christophe Gans
2002: Prehistoric Tiger de James D.R. Hickox
2002: Le Seigneur des Anneaux: Les Deux Tours de Peter Jackson
2003: La Bête du Gévaudan de Patrick Volson
2003: Le Seigneur des Anneaux: Le Retour du Roi de Peter Jackson
2003: Willard de Glen Morgan
2005: Le Monde de Narnia: Le Lion, la Sorcière Blanche et l’Armoire Magique d’Andrew Adamson
2005: Isolation de Billy O’Brien
2005: The Roost de Ti West
2006: The Breed de Nicholas Mastandrea
2007: Black Sheep de Jonathan King
2007: A la Croisée des Mondes: la Boussole d’Or de Chris Weitz
2007: Mulberry Street de Jim Mickle
2008: Le Monde de Narnia: Le Prince Caspian d’Andrew Adamson
2009: La Traque d’Antoine Blossier
2012: ABC of Death par 26 réalisateurs
2014: Beaster Day de John Bacchus
2014: Zombeavers de Jordan Rubin
2016: Prédateur de Dick Maas
2017: Jumanji : Bienvenue dans la Jungle de Jake Kasdan
2017: Okja de Bong Joon-ho
2018: Rampage de Brad Peyton
2019: Dumbo de Tim Burton
2022: Beast de Baltasar Kormakur
2023: Crazy Bear d’Elizabeth Banks
2023: La Mascotte de Matthew Goodhue
2023: Winnie l’ourson, du sang et du miel de Rhys Frake-Waterfield