Le monstre de Frankenstein le plus laid de l'histoire du cinéma s'anime dans une histoire absurde et rocambolesque
I WAS A TEENAGE FRANKENSTEIN
1957 – USA
Réalisé par Herbert L. Strock
Avec Whit Bissell, Gary Conway, Phyllis Coates, Robert Burton, George Lynn, John Cliff
THEMA FRANKENSTEIN
Dans la foulée de I Was a Teenage Werewolf et Blood of Dracula, l’astucieux producteur Herman Cohen poursuivit sa série de petits films d’horreurs formatés au goût des adolescents des fifties avec I Was a Teenage Frankenstein. Ici, un descendant britannique du docteur Frankenstein (Whit Bissel) choque ses confrères londoniens en leur affirmant qu’il est capable de réutiliser des morceaux de cadavres pour donner naissance à un être humain bien vivant. Le hasard faisant souvent bien les choses au royaume des scénarios déficients, un accident de voiture survient juste sous les fenêtres du savant, à deux pas de son laboratoire. Pour prouver ses théories, Frankenstein récupère ces cadavres servis sur un plateau et les assemble, obtenant un homme au buste de bodybuilder mais au visage grotesque. Le maquillage spécial, œuvre de Philip Scheer, se limite en effet à une espèce de masque en latex grimaçant digne d’un magasin de farces et attrapes. Et pour éviter de raccorder le cou du masque avec le corps du comédien, Scheer affuble le monstre d’une minerve bien pratique.
I Was a Teenage Frankenstein part donc avec de sérieux handicaps, question crédibilité, mais se rachète par un humour au second degré en phase avec les préoccupations des jeunes spectateurs de l’époque, victimes d’un fossé générationnel les éloignant du monde adulte et de ses conventions. D’où certains dialogues joyeusement absurdes, comme lorsque Frankenstein demande à sa créature : « peux-tu parler ? ». « Oui », rétorque stoïquement le monstre. « Oui Monsieur », corrige alors le vénérable savant, avant d’ajouter « les jeunes n’ont plus de respect pour leurs aînés ! » Un peu lassée d’être soumise à ces ridicules leçons de bienséance, la créature s’échappe du laboratoire et sème la panique aux alentours, avant de revenir au bercail et de lâcher à son créateur en guise d’excuse : « je voulais voir du monde ». Lorsque sa fiancée Margaret (Phyllis Coates) commence à montrer des signes agaçants de curiosité, le bon docteur perd de son flegme et ordonne à sa créature de l’assassiner, avant de jeter le cadavre en pâture à un crocodile qui attend tranquillement dans une cuve camouflée sous un pan de mur du laboratoire.
« Les jeunes n'ont plus de respect pour leurs aînés ! »
Frankenstein et son monstre errent ensuite bras dessus bras dessous dans les rues nocturnes de la ville, afin que la créature puisse choisir elle-même sa nouvelle tête ! Le malheureux élu est le bellâtre Bob (Gary Conway), qui se retrouve décapité avant d’avoir eu le temps de dire ouf. L’opération est un succès, mais le monstre se souvient soudain de ses classiques et se révolte finalement contre son créateur, le jetant dans la cuve du crocodile avant de s’électrocuter lui-même. Et soudain, sans préavis, l’image du film, jusqu’alors en noir et blanc, passe en couleurs pour la dernière minute de métrage. Le plus étrange demeure probablement le fait que cet absurde I Was a Teenage Frankenstein sortit sur les écrans la même année que le magnifique Frankenstein s’est échappé de Terence Fisher, preuve de l’incroyable versatilité du cinéma fantastique, capable de proposer tout et son contraire à partir d’un matériau littéraire pourtant identique.
© Gilles Penso
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